La photo de paysage (1/2)

La photo de paysage est probablement le domaine de la photo le plus répandu : nous en faisons tous lors de balades, en randonnée, ou en vacances. Mais entre ce que nous voyons lors de la prise de vue, et le résultat sur la photo, il y a souvent de gros écarts. Au fil de deux articles, nous allons donc parcourir les astuces et techniques pour améliorer nos photos de paysage.

La photo de paysage (1/2)

Contrairement aux idées reçues, la photo de paysage n’est pas un domaine si facilement accessible.

La première étape, qui consiste à faire de la photo de paysage en mode « opportuniste », lors de randonnées ou de balades, est abordable. Mais franchir les étapes suivantes nécessitent du travail. Il faut avoir une bonne connaissance des techniques photos de base, il faut également connaître son matériel, et il faut pratiquer.

Peut-être plus que dans d’autres domaines de la photo, le temps est un facteur important : Nous avons d’un côté un temps long de préparation, de planification, et de l’autre une période de prise de vue parfois assez courte. Pour bénéficier de la lumière offerte par les heures bleues ou dorée, pour obtenir des alignements avec le soleil, ou la lune, pour profiter de certains couleurs, ou de l’apparition de la brume, … il faut être là au bon moment, et une fois sur place, nous n’avons que quelques minutes pour saisir l’instant.

Cet article est divisé en deux parties :

  • Cette partie qui va traiter du matériel, de la netteté, et de l’exposition,
  • La seconde partie sera consacrée à la composition, et la préparation.

Le matériel

Si vous profitez d’une randonnée pour prendre des photos, il n’est pas nécessaire d’emmener un sac complet. En supposant que nous disposons d’un boîtier Reflex, ou Hybride, nous avons besoin :

  • Du zoom acheté avec votre boîtier, il s’agit souvent d’un zoom dit « standard » ou « trans-standard », on parle de
    • 24-70mm, 28-70mm, 24-105/135mm pour des boîtiers full-frame,
    • Ou 17/18-55mm, 17/18-70mm pour un boîtier APS-C,
  • D’un filtre polarisant,
  • Eventuellement un petit trépied de voyage.

Si vous faîtes une réelle sortie photo, le sac sera nécessaire, pour aller plus loin ou faire face à des cas non prévus initialement, nous pouvons emmener :

  • Un bon trépied (pour une bonne stabilité),
  • Au moins une optique à focale fixe, dites « grand angle » (20mm, 24mm par exemple),
  • Une optique « longue focale » (zoom allant à 200mm, ou plus),
  • Un ou plusieurs filtres gris neutres,
  • Un filtre gris neutre dégradé.

Concernant les optiques

Petit rappel concernant les optiques : augmenter la focale, réduit l’angle de champ (l’angle de vision) (voir figure 1)

Figure 1 : Focale et angle de champ - CC [BY-NC 4.0]
Figure 1 : Focale et angle de champ - CC [BY-NC 4.0]

A priori, des petites focales (14mm, 10mm ou en dessous) pourraient être un choix logique parce qu’elles offrent un grand angle de vue. Mais plus la focale est petite, plus les déformations sont importantes, notamment sur les bords de l’image (jusqu’à l’effet Fish Eyes). Donc les super et ultra grand-angles ne sont pas conseillés.

Les focales généralement recommandées sont 17/18mm pour un APS-C, à partir de 20mm pour un full frame (en général 20 ou 24mm).

L’optique trans-standard, du type 24-70mm, 24-135mm, ou 17-55mm, joue le rôle du couteau suisse. Avec ce type de matériel, nous sommes capables d’avoir des plans larges, et des plans plus resserrés.

Les longues focales (135, 150, 200mm ou plus) ne sont pas un choix intuitif pour des photos de paysages, en raison de leur faible angle de champ. Cependant, dans certaines circonstances, elles peuvent se révéler utiles. Par exemple, si vous voulez « rapprocher » deux plans de votre scène, comme pour la photo suivante (figure 2).

Figure 2 : Photo de Chrissy Wainwright sur FlickR- ISO 500, f/6.3, 300 mm - CC BY-NC 2.0
Figure 2 : Photo de Chrissy Wainwright sur FlickR- ISO 500, f/6.3, 300 mm - CC BY-NC 2.0

Si vous rencontrez des animaux pendant une randonnée, les longues focales peuvent également servir. Les figures 3 et 4 sont des exemples classiques des randonnées à la montagne : pour le photo 3, j’ai très rapidement remplacé mon 17-55mm par mon 70-200mm, avant de revenir au 17-55 après la rencontre.

Revers de la médaille : ces longues focales sont, généralement, les éléments les plus lourds d’un sac photo.

Filtre polarisant

Le post-traitement n’est pas la solution à tout, et pas mal de choses doivent être faîtes lors de la prise de vue. C’est le cas, par exemple, de la suppression des reflets, et des réverbérations. Les filtres polarisants sont là pour cela.

Figure 5 : Photo, sans, et avec un filtre polarisant
Figure 5 : Photo, sans, et avec un filtre polarisant

Un filtre polarisant sert à

  • Accentuer les couleurs,
  • Réduire / supprimer les reflets,
  • Réduire le voile atmosphérique.

Ils ont quelques inconvénients

  • Ils réduisent la luminosité de la scène (de 1 à 2 IL pour un filtre de qualité, parfois plus si la qualité n’est pas là),
  • Ils accentuent le vignettage (l’assombrissement des coins de l’image),
  • Ils nécessitent une certaine qualité, donc un certain coût. Considérez un budget supérieur à 100 Eur pour avoir un filtre de 77mm, avec une atténuation modérée, une polarisation efficace, sans dérive de couleur.

A titre d’exemple, les deux photos suivantes sont « brutes », sans aucun post-traitement (juste +1/3 d’IL en exposition pour la première), grâce à un filtre polarisant (et un très beau ciel bleu). Sur la figure 6, on pourrait croire que j’ai un peu trop « pousser le curseur saturation », ce qui n’est pas le cas.

Figure 6 : Photo prise avec filtre polarisant, sans accentuation - ISO100, f/18.0, 1/20 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]
Figure 6 : Photo prise avec filtre polarisant, sans accentuation - ISO100, f/18.0, 1/20 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]

Figure 7 : Panoramique de la plage de Sainte Anne avec filtre polarisant - Martinique - ISO100, f/8.0, 1/100 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]
Figure 7 : Panoramique de la plage de Sainte Anne avec filtre polarisant - Martinique - ISO100, f/8.0, 1/100 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]

Les filtres polarisants constituent réellement l’outil indispensable du photographe de paysage.

Les filtres gris neutre

Le filtre de densité neutre (ND : Neutral Density), appelé également gris neutre est un accessoire optionnel, qui peut-être complexe à utiliser, mais qui permet d’obtenir des résultats souvent spectaculaires. Globalement, un filtre gris neutre permet de réduire l’exposition, et donc d’abaisser les temps de pose. Cette réduction peut être suffisante pour obtenir, en plein jour, des vitesses d’obturation de l’ordre de 1sec., 2 sec. ou plus.

Il existe une gamme complète de filtres ND :

Densité optiqueCoefficientRéduction de l’exposition
0.3ND 21
0.6ND 42
0.9ND 83
1.2ND 164
1.5ND 325
1.8ND 646
2.0ND 10062/3
2.1ND 1287
2.4ND 2568
2.6ND 40082/3
2.7ND 5129
3.0ND 1024 (ND 1000)10
3.3ND 2048 (ND 2000)11
3.6ND 4096 (ND 2000)12

Par exemple, un décor de bord de mer ensoleillée, qui vous donne, f/11 1/250 sans filtre, donnera un temps de pose de 1/250 * 2^10, soit 4 secondes, avec un filtre d’indice 10. Le tableau suivant donne des exemples d’atténuations en fonction des indices :

ND8ND16ND32ND64ND500ND1000
1/20001/2501/1251/601/301/40,5'
1/10001/1251/601/301/150,5'1'
1/5001/601/301/151/81'2'
1/2501/301/151/81/42'4'
1/1251/151/81/40,5'4'8'
1/601/81/40,5'1'8'15'
1/301/40,5'1'2'15'30'
1/150,5'1'2'4'30'60'
1/81'2'4'8'60'2"05'

L’objectif du filtre ND en photo de paysage, est de montrer le mouvement sous forme de « filets », soit pour le ciel, soit pour de l’eau (mer, rivière, cascade, …), soit pour un élément de la scène (les pâles d’un moulin, le déplacement d’une foule, …)

Figure 8 : Exemple d’utilisation d’un filtre gris neutre avec les nuages - Phil Dolby - CC BY 2.0
Figure 8 : Exemple d’utilisation d’un filtre gris neutre avec les nuages - Phil Dolby - CC BY 2.0

Figure 9 : Exemple d’utilisation d’un filtre gris neutre en bord de mer - CC0 1.0
Figure 9 : Exemple d’utilisation d’un filtre gris neutre en bord de mer - CC0 1.0

Figure 10 : La Loire à la tombée de la nuit (production personnelle) - ISO100, f/8.0, 25 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]
Figure 10 : La Loire à la tombée de la nuit (production personnelle) - ISO100, f/8.0, 25 sec. (17mm) - CC [BY-NC 4.0]

Figure 11 : La photo sans filtre (1/30s) et avec filtre (25s) - CC [BY-NC 4.0]
Figure 11 : La photo sans filtre (1/30s) et avec filtre (25s) - CC [BY-NC 4.0]

Pour la photo de paysage, il est conseillé d’utiliser les filtres à forte densité, à partir de ND 400.

Dans la figure 11, le filtre que j’utilisais, était censé être un ND 1000, son atténuation est en réalité de 91/3 IL, soit un peu plus qu’un filtre ND 500.

D’une manière générale, ma remarque sur la qualité des filtres polarisants est encore plus vraie pour les filtres ND

  • Il est fréquent que l’atténuation ne soit pas celle attendue,
  • Un filtre gris neutre, doit être, comme son nom l’indique, absolument neutre. S’il ne l’est pas, la balance des blancs de la photo virera vers le rouge, le vert, ou une autre couleur, sans réelle possibilité de correction en post-traitement (situation vécue). Donc consulter les sites de tests, les forums, … avant d’acheter, pour vous assurer que vous n’aurez pas de problème avec le modèle que vous ciblez.

Il existe des filtres de densité variable : Ils permettent d’ajuster l’atténuation en fonction de la situation. Ces filtres sont en fait l’assemblage de deux filtres polarisants. L’atténuation maximale n’est jamais très élevées, et certains défauts optiques peuvent apparaître. Les avis divergent sur ce type de filtres.

Jusqu’à présent, je n’ai parlé de la photo de paysage, mais les filtres ND peuvent servir dans d’autres cas

  • Supprimer les touristes : avec un temps de pose de plusieurs secondes, si ces fameux touristes bougent un peu, ils n’apparaîtront plus sur la photo,
  • Réduire la profondeur de champ : pour faire des portraits en extérieur avec de fortes luminosités. Si nous souhaitons réduire la profondeur de champ en augmentant l’ouverture, nous pouvons nous heurter aux limites de vitesse, surtout si nous utilisons un flash (la synchro flash est souvent de l’ordre de 1/125 à 1/250). Dans ce cas, il vaut mieux utiliser un filtre de faible densité, comme un ND8 par exemple,

En début de paragraphe, j’ai parlé de complexité d’utilisation : avec des filtres à fortes atténuations (ND400 et plus), la luminosité restante peut être insuffisante pour que l’autofocus fonctionne correctement, surtout si la luminosité de départ n’est pas très élevée. La prise de vue avec un filtre devient donc plus longue que sans filtre. Globalement, il faut

  • Se place en mode «manuel» pour l’exposition,
  • Effectuer la mise au point, et la mesure d’exposition, sans le filtre,
  • Basculer l’autofocus en mode manuel,
  • Mettre le filtre,
  • Déclencher.

Filtres gris neutres dégradés

Les filtres GND, acronyme de « Graduated Neutral Density » sont un autre outil de la photo de paysage. Comme son nom l’indique, ce filtre est un filtre gris neutre, mais son atténuation n’est pas constante sur toute sa surface. Il propose un dégradé d’atténuation. L’image figure 12 montre deux filtres gris neutres dégradés, le premier est carré/rectangulaire, et nécessite un porte filtre, le second est circulaire, et se visse sur l’optique.

Figure 12 : Filtres gris neutres dégradés rectangulaires avec porte-filtre, et filtre circulaire - CC [BY-NC 4.0]
Figure 12 : Filtres gris neutres dégradés rectangulaires avec porte-filtre, et filtre circulaire - CC [BY-NC 4.0]

Je conseille d’utiliser le premier. Certes, le porte-filtre est un accessoire supplémentaire dans le sac, mais l’ensemble porte-filtre + filtre apporte beaucoup plus de souplesse que le filtre circulaire, en permettant notamment de choisir précisément ou placer l’atténuation, en faisant coulisser le filtre vers le bas, ou vers le haut.

Ces filtres servent donc à atténuer les écarts de luminosité d’une partie de l’image, sans toucher aux autres parties. En photo de paysage, ils sont donc très utiles pour atténuer les hautes luminosités, comme le ciel, lors des couchers de soleil, lorsqu’il est laiteux, …

Figure 13 : Exemple d’application d’un filtre gris neutre dégradé - CC [BY-NC 4.0]
Figure 13 : Exemple d’application d’un filtre gris neutre dégradé - CC [BY-NC 4.0]

Certains pourraient dire que ce genre de filtre n’est plus tellement utile, puisque nous en avons une version numérique dans des outils du type Adobe Lightroom. Je dirais oui, et non. Sans filtre, face à des scènes à très forts contrastes, nous devons faire des choix pour limiter la surexposition. Mais le compromis que nous faisons lors de la prise de vue, deviendra une contrainte lors du développement. Un filtre gris neutre dégradé, en réduisant la luminosité d’une partie de l’image, permet de rééquilibrer l’histogramme. Nous pouvons donc plus facilement obtenir un histogramme non tronqué, et donc d’avoir ensuite toute liberté lors du post-traitement.

Je dois l’avouer, je dispose d’un filtre de ce type, mais c’est probablement celui que j’ai le moins utilisé. Les résultats obtenus sont toujours intéressants, mais c’est un peu lourd à utiliser.

La netteté

C’est l’une des qualités attendues dans la photo de paysage : nous souhaitons une netteté parfaite, du premier, jusqu’au dernier plan. D’un point de vue technique photographique, le premier élément qui vient à l’esprit est la profondeur de champ. Comme nous l’avons déjà appris, la règle principale est de sélectionner de petites ouvertures, typiquement entre f/8 et f/16 qui vont donner de grandes zones de netteté. Mais ce n’est pas aussi simple.

La profondeur de champ

Comme le montre la figure 14, lorsque l’on fait la mise au point sur un élément, la zone de netteté démarre avant cet élément (premier plan net), et se termine après l’élément (dernier plan net).

Figure 14 : Zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]
Figure 14 : Zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]

La taille de la zone de netteté dépend principalement de trois paramètres : la focale, la distance de mise au point, et l’ouverture (il y a d’autres paramètres qu’il est inutile de détailler ici).

Maintenant, regardons ce qu’il se passe dans les deux cas suivants :

Piège 1 : On fait la mise au point sur l’infini : Les objets lointains sont nets, mais les objets plus proches seront flous, et cela, quelle que soit la focale, et l’ouverture (figure 15). La règle : NE JAMAIS faire la mise au point sur les objets les plus éloignés. Cibler des objets à 10 mètres, ou des objets au tier l’image.

Figure 15 : Piège 1 - Mise au point sur l’infini - CC [BY-NC 4.0]
Figure 15 : Piège 1 - Mise au point sur l’infini - CC [BY-NC 4.0]

Piège 2 - Mauvaise évaluation de la zone de netteté : Pour éviter le piège 1, nous effectuons la mise au point sur un objet plus proche. Nous sommes bien avec une ouverture du type f/8, f/11, mais notre cadrage implique une certaine focale qui réduit la zone de netteté (figure 16).

Figure 16 : Piège 2 - Mauvaise évaluation de la zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]
Figure 16 : Piège 2 - Mauvaise évaluation de la zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]

Pour éviter ce problème, il faut avoir des ordres de grandeur en tête. Pas d’affolement, il est inutile d’apprendre par coeur des tables entières de chiffres. Il faut juste comprendre à partir de quels paramètres vous devez être vigilent. Je m’explique : comme le montre la figure 17, si vous restez avec des focales du type 18mm, 24mm, 28mm (grand angle ou focales courtes sur un standard), vous n’avez quasiment aucune question à vous poser, puisque tout est net de 2 mètres, jusqu’à l’infini, même à f/8. En revanche, si vous utilisez des focales plus longues, alors il faudra probablement penser à réduire l’ouverture pour être sûre que la zone de netteté est suffisamment importante.

Figure 17 : Focale, ouverture, distance, et zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]
Figure 17 : Focale, ouverture, distance, et zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]

Exemple concret du piège numéro 1 : La figure 18 montre une photo panoramique. Si l’on zoome un peu, On peut voir que le premier plan est flou, et que les plans intermédiaires ne sont pas non plus transcendants. Le dernier plan (les montages) est plutôt pas mal. Pourtant, la focale est de 17mm. L’erreur commise ici, est d’avoir fait la mise au point sur les montages (équivalent infini).

Figure 18 : Panoramique avec des zones floues - CC [BY-NC 4.0]
Figure 18 : Panoramique avec des zones floues - CC [BY-NC 4.0]

Exemple concret du piège numéro 2 : La figure 19 montre un coucher de soleil. L’idée de départ était d’avoir de la netteté sur la végétation, et du flou sur le lac, et le reste. Sur la photo, le haut des plantes est très effectivement très net, l’arrière-plan est effectivement flou, mais si vous regardez attentivement, les plantes des premiers plans sont floues, ce que je n’avais pas prévu.

Figure 19 : Coucher de soleil - f/8, 40mm - CC [BY-NC 4.0]
Figure 19 : Coucher de soleil - f/8, 40mm - CC [BY-NC 4.0]

Le problème vient du fait que la distance de mise au point est courte (environ 1,5m), et que la focale ne l’était pas trop (40mm). Donc la zone de netteté est de l’ordre de 40 cm, et commence juste 20cm avant la distance de mise au point. Le flou a probablement été accentué par le flair.

Figure 20 : Coucher de soleil - Zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]
Figure 20 : Coucher de soleil - Zone de netteté - CC [BY-NC 4.0]

La mise au point

Attention aux automatismes. Les boîtiers modernes disposent d’une multitude de capteurs, et sont capables d’accrocher à peu près tout ce qui se trouve dans le viseur avec une efficacité redoutable. Il faut cependant être sûre qu’ils accrochent bien le bon élément.

  • Soit vous faîtes confiance, en laissant l’autofocus faire son travail : Il faut alors bien contrôler que l’objet accroché est bien celui que vous souhaitez accrocher, et pas celui qui est situé avant ou après,
  • Soit vous faîtes le travail vous-même, en sélectionnant les collimateurs que vous souhaitez utiliser, et en pratiquant le pointage / recadrage.

L’inconvénient de la première méthode, est qu’elle peut faire perdre du temps : si le boîtier fait la mise au point au mauvais endroit, il faudra retenter, éventuellement en recadrant, et en espérant que la mise au point se fasse finalement au bon endroit.

C’est pourquoi j’utilise la seconde méthode : je configure l’autofocus pour qu’il n’utilise que le collimateur central. Pendant la prise de vue, je fais la mise au point sur l’objet souhaité, je recadre et je déclenche. La figure 21 montre ce type de réglage sur un Canon 7D. Mon réglage est celui de gauche.

Figure 21 : Configuration des collimateurs AF
Figure 21 : Configuration des collimateurs AF

L’hyperfocale

L’hyperfocale est une technique permettant de garantir une très grande profondeur de champ. Je vous renvoie à mon article sur le sujet.

Pour résumer :

  • Si la distance de mise au point est égale à la distance hyperfocale, alors votre zone de netteté démarre à la moitié de cette distance, jusqu’à l’infini,
  • La distance hyperfocale dépend de la focale, de l’ouverture, et d’un paramètre propre au boîtier (le cercle de confusion),
  • La technique consiste donc à débrayer l’autofocus (passer de AF - Autofocus à MF - Manual Focus), et de sélectionner à la main, la distance de mise au point, pour quelle coïncide avec la distance hyperfocale. A partir de là, vous pouvez viser ce que vous voulez, tout sera nette entre la demi-distance hyperfocale et l’infini,

Figure 22 : Exemple d’utilisation de l’hyperfocale - CC [BY-NC 4.0]
Figure 22 : Exemple d’utilisation de l’hyperfocale - CC [BY-NC 4.0]

Les valeurs d’hyperfocale se trouvent assez facilement, sur Internet, ou via des applications sur SmartPhone. La table ci-dessous donne quelques valeurs, pour une valeur du cercle de confusion de 0.019. Les distances sont en mètre.

Focale
Ouverture
20mm24mm28mm30mm35mm50mm
2,87,410,714,616,822,846,6
45,27,510,211,716,032,6
4,54,66,79,110,414,229,0
5,63,75,47,38,411,423,3
82,63,75,15,98,016,3
111,92,73,74,35,811,9
161,31,92,52,94,08,2
220,91,41,82,12,95,9

Dans des conditions normales, je ne suis pas fan

  • Comme nous venons de le voir dans les paragraphes précédents, il n’est pas difficile d’obtenir une grande profondeur de champ avec une technique classique,
  • Les autofocus actuels sont très performants, et continuent de fonctionner même dans des conditions difficiles,
  • Tout est fait sur nos boîtiers pour fonctionner avec l’autofocus activé.

En revanche, l’hyperfocale se révèle utile, voire indispensable, lorsque l’autofocus «patine», dans des cas de très faible luminosité, ou lorsque l’on utilise un filtre de densité neutre, par exemple.

Il y a cependant quelques prérequis qui portent principalement sur le matériel :

  • Il faut utiliser une focale fixe. Vous pouvez essayer avec un zoom, mais cela suppose de connaître la distance hyperfocale de chaque focale, de régler cette focale précisément, et que le zoom ne se dérègle pas pendant vos déplacements. Donc au-delà de quelques tests, les zooms ne sont pas réellement utilisables. Avec une focale fixe, vous n’avez juste qu’à vérifier régulièrement que le réglage de la distance n’a pas bougé.
  • Dans beaucoup de cas, les optiques dont nous disposons, ne sont pas faîtes pour ce genre de réglages (quasiment plus de sérigraphie, bagues pas assez précises, ou pouvant se dérégler facilement …), voir figure 23. Donc pratiquer l’hyperfocale implique le choix d’optiques spécifiques.

Figure 23 : Optique Sigma 35mm à gauche, et Zeiss/Leica, avec toutes ces indications, à droite
Figure 23 : Optique Sigma 35mm à gauche, et Zeiss/Leica, avec toutes ces indications, à droite

Le focus bracketing, focus stacking

N’ayant pas pratiqué cette technique, je serai assez bref.

L’idée générale est la suivante :

  • Habituellement, lorsque l’on souhaite une grande profondeur de champ, nous sélectionnons une petite ouverture (f/8, f/11, …),
  • Mais cette petite ouverture limite la quantité de lumière entrante, et donc oblige à augmenter le temps de pose,
  • Si la scène initiale est déjà assez sombre, ou si nous avons besoin de lumière, nous agrandissons l’ouverture (f/5.6, f/4, f/2.8 …), mais nous perdons de la profondeur de champ.
  • Dans ce cas, le focus stacking (empilement de mise au point) permet de compenser cette faible zone de netteté,
    • En prenant la même scène, plusieurs fois, mais avec des distances de mise au point différentes,
    • Puis en effectuant un assemblage numérique de ces différentes photos.

Initialement, cette technique était plutôt utilisée en macrophotographie, mais de plus en plus d’articles y font référence pour la photo de paysage. Je vous laisse consulter les deux articles suivants

J’en parle ici, parce qu’avec la généralisation de la technologie hybride, de plus en plus de boîtiers proposent d’automatiser la prise de vue (lire l’article Le Canon Focus Bracketing sur le Canon EOS RP ). En fonction des marques, ces automatismes nécessitent des optiques compatibles.

Figure 23 : Paramétrage du focus bracketing sur un boîtier Canon
Figure 23 : Paramétrage du focus bracketing sur un boîtier Canon

Comme pour l’hyperfocale, je pense que cette technique est intéressante, mais s’adresse à des cas très précis.

Autres facteurs

Une photo peut être floue pour un grand nombre de raisons. Voici une liste non exhaustive de points pour mettre toutes les chances de votre côté :

  • La vitesse d’obturation : Si la vitesse est trop faible, vous risquez d’avoir des flous de bougé, même avec les fonctions de stabilisation du matériel moderne. Donc en dessous de certaines valeurs, un trépied devient indispensable. Pensez à la règle vitesse < 1/focale. Si la focale sélectionnée est 50mm, alors le temps de pose ne doit pas être supérieur à 1/50 sec.
  • Ne pas oublier que l’utilisation de filtres (polarisant, par exemple) implique une perte de luminosité,
  • Attention à la montée des ISO : si vous pensez résoudre votre problème de flou de bougé en augmentant la sensibilité pour réduire le temps de pose, vous risquez d’avoir du bruit. Je sais que les boitiers récents annoncent des valeurs ISO stratosphériques sur le papier, mais en pratique, je reste très méfiant. Les beaux paysages nécessitent un niveau de détails très élevés, incompatible avec le bruit, et réduire le bruit en post-traitement, est toujours compliqué,
  • Si vous utilisez un trépied, il est recommandé de désactiver les mécanismes de stabilisation,
  • Avec ou sans trépied, pensez à utiliser le retardateur 2 secondes. Au moment de déclencher, nous avons tendance à faire des mouvements, même imperceptibles. Avec le retardateur, après déclenchement, nous avons 2 secondes pour nous « figer »,
  • A certaines focales, et certaines ouvertures, les optiques peuvent perdre en efficacité, ou montrer quelques défauts, donc autant que possible, évitez les valeurs extrêmes comme f/22 pour l’ouverture, par exemple.

L’exposition

Après le matériel, et la gestion de la netteté, passons donc à l’exposition.

Je vous propose la lecture de mes deux articles sur le sujet :

Lors de la prise de vue, le but est d’obtenir une photo aussi juste que possible en termes d’exposition, et de perdre le moins possible d’informations. Ne pas perdre d’informations signifie essayer d’obtenir un histogramme complet. Concrètement, pendant la prise de vue, ne regardez pas la photo, mais regardez surtout l’histogramme : s’il est non tronqué, et cohérent avec la scène, c’est parfait, sinon, décaler l’exposition, et refaite la photo.

N’oubliez pas, l’histogramme n’est qu’un outil d’aide à la décision : Chercher à obtenir un histogramme centré n’a de sens que si la luminosité de la scène est équilibrée. Les deux points à vérifier sont les suivants :

  • Si l’histogramme est tronqué, cela veut dire que votre photo contient des parties complètement noires, ou complétement blanches, non récupérables. A vous de décider si c’est le résultat que vous souhaitez obtenir, ou pas,
  • Une scène sombre, doit donner un histogramme plutôt calé à gauche. Réciproquement, une scène claire, doit donner un histogramme plutôt calé à droite. Si ce n’est pas le cas, c’est que quelque chose ne va pas.

S’il est impossible d’obtenir un histogramme complet, parce que la scène est trop contrastée, nous avons deux stratégies possibles

  • L’évitement/le contournement : on choisit une composition qui nous permet de contourner le problème, en « cachant », la zone trop lumineuse (ou trop sombre), ou en la sortant du cadrage. Dans le cas de la photo figure 24, ce qui m’intéressait était la couleur que le soleil donnait aux plantes. Je ne me suis pas placé face au soleil, mais à un endroit où j’avais un reflet partiel, pour réduire autant que possible les hautes lumières,
  • Le face-à-face : à l’inverse de la stratégie précédente, nous faisons face au soleil, et nous devons donc gérer le très fort contraste, entre le ciel, et la végétation. Il faut choisir les zones que l’on « sacrifie », et celles que l’on souhaite préserver. Pour la photo figure 25, si je protège le soleil et le ciel, j’ai une belle couleur orangée, mais la végétation sera très sombre, voir noire. Si je donne la priorité à la végétation, le ciel est complètement blanc (je perds toutes les informations sur les hautes lumières). J’ai fait un compromis, en calant l’histogramme à droite, tout en essayant de ne pas trop perdre d’informations dans les hautes lumières (ici je perds la zone du soleil, et son reflet). Après post-traitement, le résultat est acceptable.

Figure 24 : Stratégie de contournement, en réduisant autant que possible le soleil
Figure 24 : Stratégie de contournement, en réduisant autant que possible le soleil

Figure 25 : Le compromis : Sacrifice modéré des hautes lumières - ISO400, f/8.0, 1/200 sec. (40mm) - CC [BY-NC 4.0]
Figure 25 : Le compromis : Sacrifice modéré des hautes lumières - ISO400, f/8.0, 1/200 sec. (40mm) - CC [BY-NC 4.0]

A noter un détail qui à son importance : sur la photo figure 25, vous pouvez remarquer des « reflets », dans la partie inférieure droite. C’est un point d’attention dans la photo de paysage. Il s’agit du flare, une aberration optique liée à une diffusion parasite de la lumière à l’intérieur d’un objectif (Facteur de flare). Ce phénomène nuit à la netteté. Si vous souhaitez éviter le flare, il faut

  • Eviter de se placer dans l’axe de la source lumineuse,
  • Utiliser un pare-soleil,
  • Bien nettoyer les lentilles d’entrée et de sortie des optiques,
  • Pour les boîtiers reflex : Si vous n’avez pas l’oeil sur le viseur, au moment du déclenchement, il faut l’obstruer, car la lumière peut rentrer par là.

Pour de très forts contrastes, en dernier recours, pensez au HDR, et au bracketing. Je parle de dernier recours, car le traitement HDR, en fonction des cas, ne donne pas forcément des couleurs très naturelles.

Conclusion

La plupart des notions abordées dans cet article l’ont déjà été dans les articles sur la technique photo, mais nous en avons, cette fois, discuté sous un angle pratique.

Pour résumer :

  • Le kit de base suffit pour démarrer (un boîtier, une optique trans-standard), avec un filtre polarisant,
  • Pour aller plus loin, ajouter une optique fixe grand angle, un filtre gris neutre, un trépied,
  • Pour la mise au point : viser un objet pas trop éloigné (en général au tier de l’image),
  • Attention à la profondeur de champ lorsque la focale augmente,
  • Penser à l’hyperfocale, si les conditions de luminosité sont difficiles, et que l’autofocus ne fonctionne plus correctement,
  • Pour l’exposition : Se focaliser sur l’histogramme, et analyser la scène dans son ensemble pour comprendre les parties qui pourraient être sous ou surexposées.

Dans l’article suivant, nous allons aborder la composition, et la préparation.

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