Cet article est divisé en deux parties :
- Une première partie traite du matériel, de la netteté, et de l’exposition,
- Cet article est consacré à la composition, et la préparation.
La composition
Qui n’a pas été frustré(e) de ne pas retrouver dans les photos, la beauté des paysages qu’il/elle a admiré lors d’une balade, ou d’une randonnée ? Un joli paysage ne donne malheureusement pas de facto, une bonne photo. La différence tient en très grande partie à la composition.
Il n’y a pas de recette infaillible pour obtenir une belle photo de paysage, mais le principe général est de créer un « chemin de lecture ». Lorsque nous lisons un livre, il est implicite (en occident), de commencer en haut à gauche de la page, et de terminer en bas à droite. Dans le cas de la photo, il n’y a pas de règle établie : c’est la composition qui doit fournir le point d’entrée, et le sens de lecture.
La photo de paysages ajoute des questions supplémentaires, comme «Comment rendre compte de la profondeur de la scène ?», ou «Comment montrer la taille de ce paysage ?»
Nous avons plusieurs techniques possibles pour donner cette lisibilité à une photo :
- La règle des tiers,
- Les lignes directrices, les perspectives,
- Le choix du sujet,
- Rapprocher les plans, cadrer plus serrés,
- Utiliser les cadres naturels,
- Notion d’échelle
L’ensemble de ces règles doit être considéré comme une boîte à outils, destinée à nous venir en aide pour trouver la composition permettant de restituer la beauté des paysages que nous rencontrons.
La règle des tiers
Cette règle est un classique de la photo. Elle consiste à superposer à l’image, une grille virtuelle de 9 cases identiques (3 colonnes, 3 lignes), et d’utiliser ces cases pour mettre en valeur des sujets de la scène, en les positionnant, soit au niveau des lignes horizontales ou verticales, soit aux intersections de ces lignes.
Le positionnement de l’horizon est un point de composition important en photo de paysage. Dans la première, j’ai choisi d’accorder de la place à la mer pour donner un effet de perspective et de distance vis-à-vis du bateau. Inversement, sur la seconde photo, la mer n’offrant rien de particulier, j’ai privilégié le ciel.
Dans les deux photos suivantes, certains sujets de la scène ont été positionnés sur des points d’intersection.
Pour finir, la photo suivante donne un exemple d’alignement sur une ligne verticale de la grille.
La règle des tiers est une règle de composition parmi d’autres, et doit être vue comme une aide, un outil : Nous sommes libres de l’utiliser ou pas. Le principe de la règle est d’éviter de centrer systématiquement le sujet principal. Un décalage de 1/3, 2/3 ou tout autre proportion aura, la plupart du temps, un effet positif sur la composition, ce qui ne n’empêche pas, dans certains cas de centrer le sujet.
Quasiment tous les boitiers proposent aujourd’hui l’affichage d’un quadrillage dans le viseur, donc autant en profiter.
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Les lignes directrices
Les lignes directrices sont des éléments du paysage, qui permettent de guider la lecture de la scène, en incitant l’oeil à passer d’une partie de l’image à une autre. Une fois les lignes directrices repérées, le travail du photographe consiste à trouver le cadrage qui optimise leur impact.
Dans certains cas, comme les paysages urbains, cette approche nécessite une assez grande rigueur dans le cadrage et l’orientation des photos. Je veux dire par là qu’une ligne horizontale ou verticale doit vraiment l’être sur la photo.
Toutes les photos cachent des lignes directrices. Je vous invite à revoir votre stock de photos en essayant de les détecter. Pour simplifier les explications, je vais classer les lignes en trois catégories principales :
- Dans l’axe de prise de vue,
- Perpendiculaire à l’axe de de prise de vue,
- Les diagonales.
Les lignes qui sont dans l’axe de prise de vue
Ces lignes démarrent au premier plan, traversent la scène, pour atteindre les derniers plans. Ces lignes donnent des effets de perspectives. Pour jouer avec ces effets, il faut travailler sur la hauteur de prise de vue qui permet d’accentuer (en s’approchant du sol) ou au contraire réduire ces perspectives.
Ne pas oublier que l’effet de perspective peut être vertical, en photo urbaine, et même en photo de paysage (forêt)
Les lignes qui sont perpendiculaires à l’axe de prise de vue
Ces lignes soulignent les mouvements, et donnent un sens de déplacement (et de lecture). La difficulté est souvent d’avoir les autres éléments de l’image, « alignés » avec ces lignes. Il faut être, autant que possible, bien en face du sujet, pour avoir des lignes parfaitement horizontales, ou verticales.
Les diagonales
Toujours dans l’idée de donner un sens de lecteur aux images, les lignes diagonales, explicites ou non, peuvent guider le lecteur d’un coin à un autre de l’image.
Dans les deux photos suivantes, nous avons un exemple de ligne invisible, et un exemple de ligne visible. Dans la première photo, le rocher du premier plan accroche l’oeil, et permet d’atteindre la mer. L’élément particulier suivant est le bateau, qui emmène l’oeil jusqu’aux mornes situés de l’autre côté de l’anse. Dans la seconde photo, la ligne est matérialisée par les rochers.
On peut « créer » nous-même une diagonale pour dynamiser la photo
Derniers mots sur les lignes directrices
Dans les exemples précédents, nous avons des droites. Mais les lignes directrices peuvent également être courbes. Dans les deux exemples suivants, les chemins de randonnées sont des chemins de lecture. A noter que dans cet exemple, le point de départ de la lecture se fait en bas à droite, et se termine dans la partie haute de la photo, ce qui est l’inverse de ce que de notre sens de lecture habituellement. Donc, sans ces points d’entrée et ces lignes, ces photos n’auraient pas du tout la même lisibilité.
Autres approches
Trouver un sujet
Comme je l’ai résumé en début de chapitre, le rôle d’une bonne composition est de donner un point d’entrée, et un sens de lecture.
Mais en photo de paysage quel peut être ce point d’entrée ? Pour des photos de portraits, de nature morte, des photos de rue, la question ne se pose même pas. Mais dans le cas des paysages, on parle de grandes étendues, d’une multitude de détails, plus ou moins proches. Quel est le sujet ?
Une des techniques de composition consiste donc à trouver un sujet, et le mettre en valeur pour qu’il représente le point de départ de la lecture de notre photo. La plupart du temps cet élément se trouve en premier plan.
Trois exemples :
- Sur la photo 19, le canoë est un point d’accroche idéal, grâce à ces couleurs chaudes qui s’opposent au bleu de la mer, et il appuie le sens de lecture en étant parallèle aux lignes directrices horizontales,
- Le sujet de la photo 20 est le bateau. Le canal sans le bateau aurait peut-être donné une photo sympa, mais «vide»>,
- Pour la photo 21, ce sont les rochers les sujets : de proche en proche, ils nous emmènent du premier au dernier plan.
Si l’on remonte un peu dans l’article, en regardant la photo 17, nous avons également un sujet (les randonneurs). Si nous enlevons les randonneurs, la photo garde-t-elle le même intérêt ? (voir photo 22 et 23)
Rapprocher les plans / cadrer plus serrés
Jusqu’à présent, la quasi-totalité des photos présentées ont été prises avec des focales dites «grand angles», toutes inférieures à 50mm. Mais parfois, notre regard n’est pas attiré par la globalité du paysage, mais par un point de particulier. Il ne faut pas hésiter dans ce cas, à «zoomer».
Dans la Photo 24, le décor que nous avions devant les yeux était grandiose, mais la photo prise en plan large n’avait pas beaucoup d’intérêt. En zoomant, je me suis concentré sur un détail qui le plaisait : l’empilement des strates géologiques, et la succession des plans.
Autre exemple, lors d’une randonnée à la Martinique, nous sommes passés par une magrove asséchée. Le paysage était particulier à cet endroit, car nous avions la sensation de regarder un paysage en noir et blanc. Prendre la mangrove dans sa totalité n’aurait rien donné d’autre qu’un enchevêtrement de branches, illisibles d’un point de vue photographique. Je me suis donc rapproché d’une fleur qui était l’unique point de couleur du paysage, ce que donne la photo 25, ainsi que la photo 26 une fois passé l’arrière-plan en noir et blanc.
Le format et orientation
Par défaut, nos boîtiers génèrent des photos avec des proportions de 4/3 ou 3/2. De plus, nous avons tous une tendance à utiliser notre boîtier horizontalement ou verticalement. Nous avons donc tous un stock de photo dont 99% sont dans le même format, et un rapport 70/30 de photos horizontales/verticales.
La première approche consiste à changer d’orientation pendant la prise de vue. L’orientation verticale met en valeur la profondeur et accentue l’effet des lignes verticales.
La photo 28 clarifie le sujet (le cours d’eau), et donne un sens de lecture plus simple que la photo horizontale (photo 27).
La photo 29 a un inconvénient principal : elle est «fermée», en coupant notamment le chemin que l’on aperçoit en haut. En tourant le boîtier, la photo est plus ouverte, avec une sortie qui est le chemin. La photo montre bien la profondeur de ce paysage, grâce à l’alignement entre le mur, et le chemin.
Pour les photos 31 et 32, j’avais quelques contraintes de cadrage : l’objectif était de montrer la rue, et le lac en arrière-plan. Mais je ne pouvais pas cadrer plus à droite faute de ne voir que les toits, et de perdre la rue comme sujet. J’ai réalisé les deux clichés : sur la photo 31 l’arbre est trop omniprésent. La photo 32 met la rue en valeur.
La seconde approche consiste à penser à d’autres formats au moment de la prise de vue : je pense principalement aux photos panoramiques. Les appareils récents offrent des fonctionnalités de prises de vue panoramiques, mais le résultat n’est pas stocké au format RAW. Il est plutôt conseillé de pratiquer le panoramique par assemblage. Lorsque vous avez devant vous un paysage très «ouvert», pensez au format panoramique.
- Sans matériel particulier,
- Orienter le boîtier verticalement,
- Sélectionner le mode Manuel, avec une ouverture définie (entre f/8, et f/16),
- L’idéal est de régler la mise au point sur l’hyperfocale. Sinon, faire la mise au point sur la première photo, et débrayer l’autofocus,
- Balayer le paysage de gauche à droite, en prenant 7 à 10 photos, en veillant à avoir un recouvrement entre les photos.
Une fois à la maison, il ne reste plus qu’à assembler les photos en panoramique.
Je vous renvoie vers la série d’articles sur la photo panoramique pour plus d’information.
La troisième approche consiste à changer de format lors du post-traitement. Pensez notamment au format carré ou 16/9. Le nombre de pixels disponibles aujourd’hui avec les boîtiers modernes nous autorisent à réaliser ce genre de recadrage, sans pour autant perdre en qualité.
Utiliser les cadres naturels
En photo de paysage, le photographe a toujours une vue plus large que celle de son matériel. Une photo est donc en elle-même un cadre, une fenêtre sur notre perception du paysage. Une partie de la composition consiste donc à choisir le bon cadre.
Dans certaines circonstances, il peut être intéressant de créer un cadre dans ce cadre, en utilisant des éléments du décor.
- Si la météo ne se prête pas à la photo en plan large (ciel laiteux, couvert, …),
- Si vous souhaitez insister sur un détail en particulier, qui peut être mis en valeur de cette façon,
- Vous souhaitez cacher des éléments, sans compromettre votre composition.
Notion d’échelle
Il est difficile de rendre compte des dimensions parfois impressionnantes des paysages. Nous avons sous les yeux des éléments gigantesques, qui deviennent banaux une fois sur la photo. L’une des astuces consistent à inclure dans la composition, des éléments de taille «humaine», qui donne une idée de la taille de ce décor (cela peut être un randonneur, une cabane, …).
Dans la série suivante, sur la photo 37, les fleurs du premier plan créent un effet de profondeur, renforcé par les randonneurs (à peine perceptible). Sur la photos 38, ce sont les randonneurs qui donnent une idée de la taille du décor, tandis que sur la photo 39, c’est le refuge.
Changer d’approche en fonction du contexte
Vous avez planifié une sortie : vous avez vérifié le parcours, l’heure de départ, la position du soleil, … Vous partez à l’heure prévue, vous faîtes le parcours prévu, mais rien ne se passe comme il faut : trop de touristes, météo pourrie, oubli d’une partie du matériel, ou tout simplement le paysage qui ne correspond pas à ce que vous aviez prévu.
Réfléchissez à un plan B, pour transformer une situation à priori négative, en une situation positive.
Les photos 40, 41 et 42 ont été prise lors d’une randonnée autour de Avoriaz. La brume n’était pas prévue. Je suis donc passé à des plans plus resserrés. Pour finir, nous avons cherché à passer au-dessus de la nappe nuageuse. Nous avons donc passé le reste de la randonnée à monter, jusqu’à trouver la vue de la photo 42.
La préparation
Nous venons de terminer le chapitre «Composition». Nous allons maintenant aborder la sortie photo proprement dite, ainsi que sa préparation.
D’une manière générale, l’une des premières questions à se poser, porte sur ce que l’on veut faire en tant que photographe :
- Immortaliser des paysages que l’on croise, peu importe la période, la météo, …
- Capturer des paysages que l’on peut voir sur Instagram, ou d’autres réseaux,
- Réussir des photos que l’on ne voit pas habituellement sur les réseaux.
- … …
En fonction de la réponse à cette question, les sorties et leur préparation ne sont pas du tout les mêmes.
L’idée globale est la même : en augmentant le nombre de sorties, nous multiplions les opportunités de croiser de beaux paysages, et d’en tirer de belles photos. Et plus l’exigence est élevée, plus le travail nécessaire devient important.
Si vous souhaitez faire des photos différentes des autres, alors
- Il ne faut pas aller où vont les autres, il faut aller plus loin ou ailleurs,
- Ou il faut venir aux mêmes endroits, mais à des moments différents (en hiver au lieu d’en été, le matin, ou le soir, plutôt qu’en pleine journée, …)
Bref, il faut travailler pour la préparation, et une fois sur place, accepter d’y passer du temps.
Le bon endroit
Si vous êtes simplement en balade/randonnée, et encore plus si vous êtes dans une véritable sortie photo, renseignez-vous, avant le départ, sur vos lieux de passage. Vous pouvez, avant de partir
- Consulter les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, et identifier d’où ont été prises les photos,
- Utiliser les vues satellites pour comprendre la topologie,
- Rechercher les points de vue «en hauteur» : dans le meilleur des cas, vous allez avoir une vue magnifique sur ce que vous visiez initialement, et dans le pire des cas, vous pourrez mieux identifier le point de vue idéal.
- Vous pouvez également poser des questions aux «locaux», qui vous donnerons peut-être des lieux, ou des chemins différents.
Une fois sur place
- Ne vous arrêtez pas où se sont arrêtés les autres, décalez-vous ! Faîtes quelques dizaines/centaines de mètres en plus !
- Bougez, à droite, à gauche, baissez-vous, grimpez sur le rocher voisin ! Testez les points de vue !
Le bon moment
Je vous renvoie à l’article Heure Bleue et Heure Dorée. Le moment de la prise de vue est au moins aussi important que le point précédent. Un lieu plutôt fade et anodin en journée, peut se transformer en lieu magique le matin ou le soir, parce qu’il y a de la brume, ou une luminosité qu’il n’y a pas aux autres heures.
Changer de moment n’est pas forcément facile, ce qui rend les photos d’autant plus rares : En montagne, faire une photo à la tombée de la nuit, suppose de prévoir un lieu pour passer la nuit, pas trop éloignée. En bord de mer, les horaires des marées est un facteur à prendre en compte également.
Revenir plusieurs fois
Un même paysage peut offrir de multiples formes en fonction de l’heure du jour, mais également en fonction de la saison, de la météo, des activités humaines … Il ne faut donc pas hésiter à revenir plusieurs fois au même endroit.
Conclusion
Comme je l’ai dit en introduction, la composition n’est pas un sujet facile. Nous n’avons pas tous «l’instinct» des grands photographes, et la façon dont nous percevons les paysages, et les photos de ces paysages, dépend beaucoup de nos sensibilités.
Finalement, le premier objectif pour un photographe amateur, ne serait-il pas d’éviter la frustration de ne pas avoir sur la photo, ce qu’il avait devant les yeux ? Toutes les règles énoncées dans cet article sont justement là pour, d’une part limiter cette frustration, et d’autre part, faire progresser notre oeil de photographe.
En parlant d’apprentissage, regarder les photos des autres, en les analysant, permet également de progresser. Passer un peu de temps dans les expositions photos, en essayant de comprendre pourquoi notre regard est plus attiré vers une photo plutôt qu’une autre, permet de mieux comprendre nos propres attentes, et ultérieurement d’améliorer notre propre production.
Pour finir, je dirais que je n’avais pas prévu de faire un article aussi long (au point de le découper en deux). Initialement cela devait être un court résumé des discussions que j’ai eût avec mon fils lors des sorties photo. Mais j’ai pris un certain plaisir à l’écrire parce que cela m’a permi de revenir aux fondamentaux, refaire une lecture de mon stock de photos, en montrant finalement, que prendre une simple photo de paysage, comme dans tous les autres domaines de la photo, fait appel à une large gamme de techniques et cultures photographiques.
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