Photos panoramiques

Les technologies numériques ont permis une certaine démocratisation de la photo, en donnant un plus large accès à des techniques jusque là réservées à des professionnels. C’est le cas de la photographie panoramique qui nécessitait auparavant un équipement spécifique et assez coûteux. Aujourd’hui, un compact, et un logiciel d’assemblage (souvent gratuit) suffisent. Mais sous une apparente simplicité, la photo panoramique nécessite de suivre un minimum de règles, que je vous propose de découvrir maintenant.

Photos panoramiques

Qu’est ce qu’une photo panoramique?

A priori la question semble simple, mais pour les puristes, elle ne l’est pas forcement. Il existe en effet deux approches possibles pour définir une photo panoramique: ses proportions, ou l’angle de champ couvert.

L’approche « proportion » est simple à comprendre: nos appareils photos délivrent des photos dont le rapport Hauteur / Largeur est de 3/4 pour les compacts, ou 2/3 pour les reflex.

Rapport Hauteur/Largeur des différents formats
Rapport Hauteur/Largeur des différents formats

Une photo peut être considérée comme panoramique si elle offre un rapport Hauteur / Largeur inférieur. Beaucoup considère que la notion de panoramique commence avec des proportions de l’ordre 1/2. Une proportion assez répandue est 1/3. La notion de panoramique est souvent présente sur les appareils compacts avec des modes capables de générer des images 9/16.

La seconde approche est plus technique: elle se base sur la notion d’angle de champ. J’ai déjà parlé de ce paramètre dans l’article sur la distance focale. Globalement, avec des optiques classiques, l’angle de champ s’étend de 75° pour un 28mm à 8° pour un 300 mm. Certains optiques « grand-angle » ou fish-eyes peuvent atteindre un angle de 180°.

Angle de champ
Angle de champ

D’une manière générale, une photo peut être considérée comme panoramique, si elle couvre un angle de champ réellement panoramique (> 120°). Cette valeur correspond plus ou moins à l’angle de champ maximum de la vision humaine.

Comme vous pouvez le constater, les deux définitions ne sont pas complètement satisfaisantes:

  • Nous ne pouvons pas considérer comme panoramique, une photo avec une focale de 10 ou 15mm,
  • Peut-on qualifier de panoramique, une photo prise à une focale de 70mm (angle de champ de 34°), puis recadrée à des proportions de 1/2 par exemple?

Néanmoins, je pense que l’approche « proportion » est plus significative ou plus accessible.

Pourquoi faire une photo panoramique?

Pour essentiellement deux raisons:

  • Couvrir une scène que l’on ne peut pas couvrir avec des optiques « classiques »: nous avons toujours la possibilité d’utiliser des focales extrêmes (8, 10 ou 15 mm), mais ces optiques sont rares, avec les petits capteurs leur intérêt diminue, puisqu’un 15mm par exemple, devient un 24 mm avec un APS-C, et enfin parce que ces focales amènent de très fortes déformations.
  • Pour obtenir un cadrage « différent »: nous hésitons souvent à sortir des formats 4/3 ou 3/2. Pourtant, un format carré peut parfois apporter beaucoup à un portrait. Il en va de même pour le panoramique qui, dans le domaine des paysages ou de l’architecture, permet souvent de renforcer les aspects dimensionnels de la scène.

Dans les deux cas, la décision de faire un panoramique ne doit pas occulter la nécessité de soigner le cadrage. Faire du panoramique pour le panoramique conduit, bien souvent, à oublier la photo à peine l’assemblage terminé.

Attention également à ne pas entamer une panoramique, sans avoir vérifié qu’un seul cliché suffit. Je parle d’expérience: il m’est arrivé à plusieurs reprises, de faire des clichés en vue de construire des panoramiques qui, une fois assemblés et recadrés, avaient les mêmes dimensions qu’un 24×36!

Produire une photo panoramique

Il existe principalement trois techniques pour faire du panoramique:

  • Par recadrage
  • Par rotation
  • Par assemblage

Le recadrage: La solution est toute simple. Rien empêche, en effet, de recadrer une photo prise initialement dans un format classique. En argentique ce recadrage peut s’effectuer en découpant le négatif, ou la photo papier. En numérique, n’importe quel outil de retouche vous permettra de sélectionner une zone aux proportions panoramiques.

Par rotation: Cette technique nécessite des équipements particuliers. Lors de la prise de vue, l’objectif balaie la scène par un mouvement de rotation. Les angles obtenus varient en fonction des appareils, et peuvent atteindre 360°.

Appareil photo panoramique par rotation
Appareil photo panoramique par rotation

Par assemblage: Il s’agit ici de photographier une scène en plusieurs fois, puis d’assembler les photos obtenues.

Panoramique par assemblage
Panoramique par assemblage

Dans cet article, je ne parlerai que de cette dernière technique.

Les contraintes techniques

Intéressons nous donc au panoramique par assemblage. Comme son nom l’indique, il s’agit de prendre plusieurs vues d’une même scène. Ces photos au format standard, sont ensuite assemblés pour constituer une photo finale dont les proportions en font un panoramique.

Aussi performants qu’ils soient, les logiciels ne font pas toujours de miracles, et il faut donc respecter quelques principes de base, pour obtenir de bons résultats, sans efforts.

Ces règles concernent:

  • Les paramètres de prises de vue,
  • Le maintien et la rotation du couple boîtier/optique.

Paramètres de prise de vue

La règle fondamentale à retenir est qu’il faut que toutes les photos a assembler soit prises et traitées de façon strictement identique.

Au niveau de la prise de vue, cette règle se traduit par neutraliser tous les automatismes. En travaillant en mode automatique, le boîtier va en effet, ajuster ses paramètres à chaque prise de vue, chaque photo sera donc prise dans des conditions différentes: nous aurons donc des photos dont la colorimétrie, la luminosité, et la zone de netteté, seront différentes.

La solution est de passer en mode manuel, et de prendre toutes les photos avec les mêmes paramètres, au niveau:

  • de l’exposition (ouverture, obturation, sensibilité),
  • de la balance des blancs,
  • de la mise au point.

Pour ceux que le mode manuel effraie, voici une méthode simple pour trouver les bons réglages:

  • Pour l’exposition, commutez le boîtier en mode « priorité ouverture » (Av chez Canon), et choisissez une ouverture. S’il s’agit d’un paysage, choisissez par exemple f/8 ou f/11,
  • Parcourez la scène à photographier en gardant le doigt sur le bouton, et noter les valeurs min et max de la vitesse d’obturation qui apparaissent dans le viseur,
  • Passez en mode manuel, en indiquant l’ouverture sélectionnée, et spécifiez une vitesse d’obturation, qui peut être, par exemple, la moyenne des valeurs mémorisées précédemment,
  • Pour la balance des blancs, il suffit de sélectionner le mode qui convient à la scène (lumière naturelle par exemple, si vous êtes en extérieur),
  • Pour finir, faîtes la mise au point sur la zone qui vous intéresse, puis sans toucher à la bague de mise au point, désactivez l’autofocus, en commutant le bouton de votre optique sur MF (manual focus),
  • A ce stade, votre zone de netteté est définie, et ne bougera plus. Attention cependant à ne plus toucher à la bague de mise au point sous peine d’avoir des photos floues.

Maintien et rotation du matériel photo

La méthode consiste donc à prendre plusieurs vues de la scène, en application à chaque fois une rotation, de façon à ce que l’ensemble des photos prises couvrent la surface voulue. Pour que le logiciel d’assemblage puisse faire son travail correctement, il est nécessaire de maintenir une zone de recouvrement de 20 à 30% entre les vues. Nous avons donc deux contraintes:

  • tourner d’un angle à peu près constant entre chaque vue,
  • respecter l’horizontale (ou la verticale, en fonction du sens du panoramique).

Pourquoi l’horizontal est-elle importante? Pour deux raisons essentielles: D’abord parce qu’en panoramique, l’horizon a souvent bien plus d’importance que sur une photo classique. Ensuite, parce que le non respect de l’horizontal, impliquera de grosses pertes lors du cadrage final (exactement comme pour les photos classiques d’ailleurs).

Mauvaise gestion de l’horizontal (entre autre)
Mauvaise gestion de l’horizontal (entre autre)

Nous avons trois moyens à notre disposition:

  • Les bras du photographe,
  • Un trépied, muni d’une rotule classique,
  • Un trépied muni d’une rotule « panoramique ».

Les principaux avantages de la méthode Sans trépied sont sa légèreté, et sa rapidité de mise en oeuvre. Mais le contrôle de l’angle de rotation et de l’horizontale sont difficiles. Dans les deux cas, il faut prendre des repères dans le viseur.

Un trépied est donc plus confortable, mais il doit obligatoirement être accompagné d’un niveau: soit vous disposez déjà d’un niveau à bulle incorporé à la rotule, soit vous pouvez fixer un niveau à bulle sur votre boîtier.

Ces remarques sur la gestion de l’horizontale, ne concernent plus les heureux possesseurs de boîtiers, disposant de niveaux électroniques (comme le Canon 7D par exemple).

Exemple de niveaux à bulles
Exemple de niveaux à bulles

Le dernier point concerne la rotule à utiliser: classique ou panoramique. Pour comprendre le rôle des têtes panoramiques, il faut comprendre les conséquences de la rotation du matériel de prise de vue.

Lorsque nous effectuons les prises de vue sans trépied, nous déplaçons l’ensemble boîtier/optique, il en résulte un changement de point de vue entre les photos.

Prise de vues multiples sans trépied
Prise de vues multiples sans trépied

L’assemblage devient donc plus complexe à réaliser, puisqu’il y a des variations de la scène entre les photos.

Avec un trépied, le centre de rotation n’est plus le photographe, mais le boîtier. La situation s’améliore, mais n’est pas encore idéale. Pour être optimal, l’axe de rotation doit se situer au niveau de la pupille d’entrée de l’optique, c’est-à-dire, la plupart du temps, au niveau du diaphragme.

Ceux que la photo panoramique intéresse ont certainement entendu parlé de points nodaux, du plan principal, ou du du point nodal d’émergence qui doit être l’axe de rotation. Le problème est que, en fonction de la formule optique employée pour la construction de l’objectif ou du zoom, ces notions se confondent ou pas, ce qui créer beaucoup de confusion. Je vous laisse consulter l’article de Wikipédia, et celui d’Arnaud Frich pour vous faire une opinion sur ce sujet.

Un tête panoramique sert donc à faire tourner l’ensemble boîtier/optique, autour de la pupille d’entrée de l’optique.

Rotation autour du point nodal
Rotation autour du point nodal

Les têtes panoramiques sont également équipées de systèmes de rotation gradués et crantés, permettant un contrôle très précis des angles de rotation. Il existe deux types de têtes panoramiques

  • Les têtes cylindriques disposent d’une platine coulissante permettant de déplacer l’axe de rotation au niveau de la pupille d’entrée, et d’une équerre pour maintenir le boîtier en position verticale.
  • Les têtes sphériques reprennent le dispositif des têtes cylindriques, en y ajoutant un axe de rotation supplémentaire.
    Exemple de têtes panoramiques
    Exemple de têtes panoramiques

Alors que faut-il réellement? Un trépied, une tête panoramique? Un puriste ou un professionnel vous dira qu’il faut absolument faire tourner l’appareil autour de son point nodal, ou au moins autour de la lentille frontale de l’optique. Il faut donc une tête panoramique.

Etant débutant sur ce sujet, je me garderai bien de donner une réponse définitive à cette question. Mon opinion pour l’instant, est que le trépied apporte un certain confort, et la gestion plus sûre de l’horizontale. La tête panoramique gère les angles de rotation, facilitent le travail du logiciel d’assemblage, et permet de minimiser les déformations, et donc les pertes liées au cadrage final. Mais leur rôle dépend de la scène:

  • Si vous voulez photographier une scène éloignée et ne comportant qu’un seul plan (typiquement une baie), ni le trépied, ni la tête panoramique ne s’impose, mais il faut être rigoureux au niveau de la tenue du boîtier,
  • Pour des scènes toujours éloignées, mais comportant plusieurs plans (des chaînes de montage par exemple), le trépied commence à s’imposer, parce qu’il limite le changement de point de vue,
  • Pour des scènes à faible distance, et/ou comportant de multiples plans, la tête panoramique s’impose. Elle facilitera le travail du logiciel d’assemblage, et limitera les déformations.

Une tête panoramique étant relativement coûteuse (minimum 200 Eur), elle ne se justifie que si vous prévoyez d’en faire fréquemment usage.

La prise de vue

Résumons-nous: vous souhaitez construire une photo panoramique. En supposant que nous disposons d’un trépied, nous devons:

  • Installer votre matériel sur le trépied,
  • Positionner l’appareil verticalement, et assurer les niveaux (grâce au niveau à bulle),
  • Basculer l’exposition en mode manuel, et choisir les paramètres qui conviennent,
  • Effectuer la mise au point, puis passer du mode auto-focus au mode manuel pour la mise au point,
  • Choisir le mode adéquate au niveau de la balance des blancs.

Nous sommes prêts. Il ne nous reste plus déclencher, puis tourner le boîtier plusieurs fois, en respectant une zone de recouvrement de 20 à 30%. Cette zone de recouvrement servira aux logiciels d’assemblage, pour aligner les photos entre elles.

Pourquoi placer le boîtier en position verticale? Simplement pour augmenter la couverture verticale de votre photo, et obtenir un ratio hauteur/largeur plus raisonnable. Sur le schéma ci-dessous, nous voyons bien que tenir le boîtier horizontalement permet, certes de faire moins de photos, mais conduit à un panoramique « mal proportionné ».

Différence entre orientation portrait et paysage
Différence entre orientation portrait et paysage

Dans les deux photos ci-dessous, la zone couverte horizontalement est quasiment la même. Mais en plaçant le boîtier verticalement, la zone verticale est plus importante, et les proportions du panoramique sont plus exploitables.

Paris vu de la Tour Eiffel - Boîtier horizontal
Paris vu de la Tour Eiffel - Boîtier horizontal
Paris vu de la tour Eiffel - Boîtier vertical
Paris vu de la tour Eiffel - Boîtier vertical

Pour information, ces deux panoramiques (de médiocre qualité), ont été réalisé sans trépied.

Contraintes liées aux optiques

** Le vignettage**

D’une manière générale, les optiques restituent une image, toujours plus sombres sur les bords qu’au centre. C’est ce que nous appelons le vignetage. La plupart du temps, ce phénomène passe complètement inaperçu. Mais si la scène présente de grandes étendues unies et lisses (un ciel bleu par exemple), le vignettage se voit.

Exemple de vignettage
Exemple de vignettage

Solution 1: choisir, parmi vos optiques, celle qui présente le plus faible vignettage (Plus facile à dire qu’à faire), Solution 2: choisir une focale et une ouverture pour minimiser le vignettage de votre optique.

La seconde solution est la plus simple et la plus abordable. La règle est rudimentaire: il ne faut jamais choisir les extrêmes. Si vous disposez d’un 18-55 mm, ouverture 3,5-5.6, placez vous à 30 ou 35 mm, et ouverture f/8 à f/11.

Les distorsions

Si vous utilisez une trop courte focale, les distorsions induites par l’optique sur les bords, vont empêcher un assemblage sain.

Distorsions liées aux optiques
Distorsions liées aux optiques
Conséquences possibles des distorsions
Conséquences possibles des distorsions

La règle est la même que précédemment: les optiques donnent leurs meilleurs résultats lorsqu’elles ne sont pas utilisées à leurs limites. Il faut donc choisir des focales et des ouvertures moyennes.

Traitements des photos

Comme pour la prise de vue, la règle est d’appliquer strictement les mêmes traitements sur toutes les photos. Si cela n’est pas le cas, nous aurons des variations de luminosité, de couleurs entre les photos, qui rendront visibles les lignes d’assemblage.

Assemblage

L’assemblage est une action purement informatique. Il faut disposer d’un logiciel d’assemblage. Même si certains sont assez onéreux, beaucoup sont, soit distribués avec le pack logiciel de votre boîtier, soit gratuit et/ou opensource.

Les images ci-dessous montrent une session d’assemblage, avec le logiciel PhotoStitch, distribué avec mon 40D.

Le résultat final étant:

Photo finale
Photo finale

Pourquoi s’arrêter à l’horizontal?

Lorsque nous parlons de panoramique, l’image qui vient le plus souvent en tête est une photo horizontale. Mais un panoramique peut également être vertical.

Panoramique vertical
Panoramique vertical

Nous voyons de plus en plus apparaître des panoramiques multi-dimensionnels impressionnants, comme

Ces panoramiques, de plusieurs Giga pixels, sont vraiment spectaculaires, surtout lorsque l’on cherche les détails en zoomant.

Conclusion

La photo panoramique est une technique simple et accessible. Elle ne demande pas de connaissances particulières par rapport à la photo traditionnelle. Le logiciel d’assemblage est souvent fourni avec les appareils, qu’ils soient compacts ou reflex. Au niveau matériel, l’idéal est de disposer d’une tête panoramique, mais cet accessoire ne s’impose pas, pour un usage occasionnel, et pour des scènes lointaines (paysages par exemple).

Pour aller plus loin, je vous conseille le site de Guide la photo panoramique par Arnaud Frich, qui constitue une vrai référence dans ce domaine.

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