Les quatre cadrans

Même s’il n’est pas nouveau, le concept d’intelligence émotionnelle s’est particulièrement développé depuis les années 90, sans être totalement accepté. Les entreprises s’intéressent de plus en plus au développement de ces capacités chez leurs employés, qu’ils soient managers ou non, afin de favoriser leur leadership, leur performance, celle de leur équipe, mais également leur bien-être. Entrons dans le vif du sujet.

Les quatre cadrans

Un peu d’histoire

Comme je l’ai dit en introduction, le concept d’intelligence émotionnelle n’est pas nouveau: Charles Darwin fût le premier a en parlé en 1872, en évoquant l’importance de « l’expression émotionnelle pour la survie et l’adaptation ».

Mais le concept a connu un réel développement à partir du XXième siècle :

  • En 1920, Edward Thorndike, professeur de psychologie parlait d’intelligence sociale,
  • Le concept de Force Emotionnelle a été introduit pour la première fois par Abraham Maslow dans les années 1950,
  • En 1983, Howard Gardner publia Frames of Mind : The Theory of Multiple Intelligences qui introduit l’idée que les types traditionnels d’intelligence, tels que le QI, ne parviennent pas à expliquer pleinement les capacités cognitives. Il a introduit l’idée d’intelligences multiples comprenant à la fois l’intelligence interpersonnelle (la capacité de comprendre les intentions, les motivations et les désirs des autres) et l’intelligence intrapersonnelle (la capacité de se comprendre soi-même, d’apprécier ses sentiments, ses peurs et ses motivations).
  • La même année, le Dr Reuven Bar-On, également psychologue, a été le premier à utiliser le terme « Quotient émotionnel » (QE) en désignant avec ce terme, le fonctionnement social et émotionnel d’un individu. La publication inclut un système de mesure de ce coefficient appelé EQ-i (Emotional Quotient Inventory). Ce système a évolué, avec différentes variantes (EQ-360, EQ-i 2.0),
  • En 1989, Peter Salovey et John Mayer proposent le terme d’Intelligence émotionnelle, qui représente « la capacité de percevoir, de comprendre, de gérer et d’utiliser les émotions pour faciliter la réflexion ». Le modèle est basé sur quatre composants principaux,
  • En 1995, Daniel Goleman, psychologue et journaliste scientifique popularise ce terme d’intelligence émotionnelle, en proposant un autre modèle, basé sur cinq composants.

Aujourd’hui, les modèles Bar-On, Salovey/Meyer et Goleman sont les trois piliers du concept d’intelligence émotionnelle, expliquant la façon dont le cerveau traite les émotions et l’information émotionnelle.

Quelques définitions

Intelligence émotionnelle (IE) : l’intelligence émotionnelle est un ensemble d’aptitudes émotionnelles et sociales qui établissent la façon dont nous :

  • Percevons et nous nous exprimons,
  • Développons et maintenons des relations sociales,
  • Faisons face aux difficultés,
  • Utilisons les informations émotionnelles de façon efficace et significative.

Quotient émotionnel (QE) : le quotient émotionnel (QE) mesure l’intelligence émotionnelle (IE).

Compétences émotionnelles (et sociales) : Ensemble de capacités à traiter les émotions et/ou les informations émotionnelles en général.

Goleman vs Salovey/Mayer

Quand j’ai commencé cet article, mon idée était de parler du modèle à quatre cadrans. J’en ai entendu parlé récemment lors d’un webcast sur le site ProjectManagement, et j’ai fait quelques recherches personnelles pour creuser un peu.

Assez vite, j’ai été confronté à un problème :

  • Certains sites parlent du modèle de Goleman en proposant un cadran (donc 4 composants),
  • D’autres sites décrivent ce même modèle avec cinq composants.

Le modèle à quatre cadrans est, en réalité, issu du modèle de Salovey / Mayer, le modèle de Goleman étant bien basé sur cinq composants. Je vais, dans les paragraphes suivants, faire une description du modèle à 4 composants.

Le modèle à 4 cadrans de Salovey/Meyer

Comme nous l’avons dit précédemment, le modèle proposé par Peter Salovey, et John Meyer, est basé sur 4 composants. Ces composants se répartissent sur deux axes:

  • Un axe horizontal qui différencie les dimensions personnelles et sociales,
  • Un axe vertical qui différencie la conscience de l’action.

Nous avons donc bien quatre cadrans :

  • La conscience de soi,
  • La maîtrise de soi,
  • La conscience sociale,
  • La gestion des relations.

La conscience de soi

La conscience de soi est le pilier de l’intelligence émotionnelle. Cette compétence implique trois points :

  • La conscience de soi émotionnelle : savoir reconnaître ses émotions et leurs effets. Cette compétence permet de comprendre quelles émotions nous éprouvons et pourquoi. Elle permet également de comprendre les liens entre sentiments, et actes. Les personnes disposant de cette compétence connaissent également les valeurs, et les buts qui les guident.
  • Savoir s’autoévaluer avec précision : connaître ses ressources, ses capacités et ses limites. Il est important de connaître ses forces et ses faiblesses, de pouvoir prendre du recul, d’être capable de tirer les leçons de ses expériences, et d’être ouverts aux critiques.
  • La confiance en soi : La conscience objective de ses capacités personnelles. Ceux qui possèdent cette compétence font preuve d’assurance dans les relations interpersonnelles et ont de la « présence » et du charisme. Ils sont capables de défendre leurs points de vue même s’ils sont impopulaires. Ils prennent des risques pour ce qu’ils estiment juste.

La recherche de la conscience de soi implique d’être capable d’introspection. Cette compétence est un fort moteur d’évolution personnelle.

Figure 1 : La conscience de soi
Figure 1 : La conscience de soi

La maîtrise de soi

Que cela soit dans notre vie personnelle ou professionnelle, il peut nous arriver d’être submergé par la colère, le stress ou d’autres sentiments qu’il est difficile d’arrêter. Il est alors impossible de prendre des décisions objectives. La maîtrise de soi demande du self-control, et de garder la maîtrise des émotions. Cette maîtrise permet

  • D’être capable de penser et de rester concentrer,
  • D’influencer positivement les personnes autour de nous,

La maîtrise de soi peut également être associée à d’autres compétences, notamment

  • Intégrité : globalement se montrer responsable, en respectant ses engagements, en se montrant irréprochable d’un point de vue éthique, et en reconnaissant ses propres erreurs,
  • Adaptabilité : rester ouvert aux nouvelles idées et réagir avec souplesse aux changements.

Figure 2 : La maîtrise de soi
Figure 2 : La maîtrise de soi

La conscience sociale

Ce cadran concerne notre capacité à appréhender et à réagir de manière appropriée aux émotions manifestées par les autres.
La principale qualité pour développer notre compétence dans ce cadran est l’empathie: comprendre les autres, en développant une écoute active des autres, en comprenant ce qu’ils vivent, en déchiffrant leurs émotions, à travers les signaux verbaux et non verbaux,

Une autre qualité de ce cadran et la compréhension des organisations : posséder un sens politique et être capable d’évaluer les émotions et les relations de pouvoir qui se retrouvent dans une organisation.

Figure 3 : La conscience sociale
Figure 3 : La conscience sociale

La gestion des relations

Ce quatrième cadran décrit notre capacité à être efficace dans nos relations interpersonnelles. Les compétences requises s’appuient en grande partie sur celles listées dans les trois premiers cadrans. Les compétences à développer portent sur plusieurs axes :

  • La communication : Etre capable d’écoute active, et d’envoyer des messages convaincants avec une approche consensuelle,
  • La gestion des conflits : Etre capable de faire face aux situations difficiles avec diplomatie. Clarifier les désaccords et proposer des solutions gagnant-gagnant,
  • La gestion des changements : Reconnaître les situations qui nécessitent le changement en remettant en question les situations établies.

Pour les managers, deux autres compétences sont importantes

  • Donner du feedback : en se basant sur les faits, ces feedbacks permettent aux collaborateurs de se développer,
  • Le leadership : au delà de diriger, il s’agit d’inspirer, en partageant une vision qui mobilise le groupe.

Figure 4 : La gestion des relations
Figure 4 : La gestion des relations

Les quatre cadrans

Le modèle avec ces quatre cadrans donne donc le schéma suivant :

Figure 5 : Les quatre cadrans
Figure 5 : Les quatre cadrans

Quel lien avec la gestion de projet ?

Le chef de projet n’est pas un manager comme les autres :

  • Il doit gérer des équipes sur des périodes de temps limitées,
  • Les membres de ces équipes ne lui sont pas hiérarchiquement rattachés,
  • Ces membres peuvent avoir des profiles complètement différents.

Il doit donc disposer de qualités lui permettant de comprendre, et gérer ces différents profiles. Les qualités listées dans le paragraphe précédent, sont indispensables pour un bon chef de projet.

La conscience de soi

  • Un chef de projet doit savoir reconnaître ses sentiments face à des situations comme le stress, la pression des échéances, ou un désaccord

La maîtrise de soi

  • Prendre en compte les émotions dans l’évaluation des risques ou des choix stratégiques,
  • Gérer son propre stress face à des échéances serrées.

La conscience sociale

  • Savoir percevoir les signaux non verbaux (expressions faciales, ton de voix, langage corporel) pour détecter les frustrations, les doutes ou l’enthousiasme dans l’équipe.
  • Décrypter des conflits ou des comportements émotionnels complexes au sein de l’équipe,
  • Prévoir les réactions possibles à une décision ou un changement dans le projet.

La gestion des relations

  • Exprimer ses propres émotions de manière constructive, par exemple pour motiver ou apaiser les conflits,
  • Encourager l’équipe à transformer des émotions en énergie créative, créer des espaces où les émotions peuvent servir à favoriser la collaboration et générer des idées nouvelles,
  • Apaiser les tensions ou les conflits dans l’équipe,

Ces 4 cadrans sont pertinents pour un chef de projet. Ils permettent de développer

  • Le leadership : Une intelligence émotionnelle bien développée permet d’inspirer confiance et respect, éléments essentiels pour diriger efficacement une équipe,
  • La communication : Une bonne compréhension des émotions aide à adapter son style de communication aux besoins de chaque membre de l’équipe,
  • La gestion des conflits : En identifiant et en régulant les tensions émotionnelles, un chef de projet peut désamorcer rapidement les conflits.
  • L’engagement de l’équipe : Les collaborateurs sont plus motivés et performants lorsqu’ils se sentent compris et soutenus.

Sujet polémique

Malgré ‘ai dit que le concept même d’intelligence émotionnelle fait toujours polémique. Plusieurs points sont soulevés par ces détracteurs

  • Certains considèrent que toutes les qualités mentionnées précédemment relèvent seulement des qualités intellectuelles (partisants du coefficient intellectuel),
  • Pour d’autres, le concept n’est pas issue d’études scientifiques / académiques, mais plutôt de personnes soucieuses d’en tirer une notoriété et des bénéfices.

Personnellement, je crois au concept d’intelligence multiples. Intuitivement, nous pouvons donc constater qu’il n’y a pas une intelligence unique, mais que chacun dispose de domaines de compétences dans lesquelles ils sont naturellement meilleurs que dans d’autres. Donc qu’un domaine de compétence s’appelle Intelligence émotionnelle ne me gêne pas.

Par contre, il est également vrai que les formations sur ce thème sont vendues un peu partout comme des solutions miracles. Pour écrire cet article, j’ai dû d’abord faire un gros travail de filtrage pour trouver des sources pertinentes, ce qui est le signe de beaucoup d’approximations.

L’autre question porte sur le caractère inné ou acquis de cette compétence : Personnellement je pense que les leaders naissent leader. Ce n’est pas l’avis de tout le monde, loin de là. Je pense que les formations, les études du type « 360 », et la pratique (l’expérience), peuvent nous permettre de devenir un bon ou un très bon manager, mais pas un leader. Mais je comprends tout à fait ceux qui poussent l’argumentation inverse.

Conclusion

Qu’il soit jugé pertinent ou non, le concept d’intelligence émotionnelle est, aujourd’hui, largement répandu dans les entreprises. De nombreux outils aident les managers, et les chefs de projet à évoluer, et à développer leur leadership. Des études du type « DISC » ou « 360° », qui sont issues de ce concept, apportent de nombreux points de réflexion sur soi, et sur nos relations avec les autres.

Références

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