Préambule
Le développement d’un produit, ou d’un service, est un challenge. Au delà des aspects purement techniques, il s’agit d’obtenir quelque chose qui plaisent aux utilisateurs. Pendant les phases de design, de très nombreuses idées sont proposées, et l’une des difficultés est de réduire le nombre de ces idées, tout en gardant celles qui seraient susceptibles de réellement correspondre aux attentes.
- Quelles sont les caractéristiques du produit indispensables / obligatoires,
- Quelles caractéristiques non indispensables peuvent être réellement différentiateurs.
Cette sélection peut se faire de façon empirique, mais cela comporterait certains risques. C’est là que le modèle de Kano entre en jeux : une enquête basée sur ce modèle va permettre de trouver les caractéristiques d’un produit qui sont évaluées négativement, ou positivement, en montrant de façon précise comment elles sont ressenties par les utilisateurs.
Quel rapport peut-il y avoir avec un article sur la gestion de projet ? Nous pouvons faire un parallèle entre le développement d’un produit ou d’un service, et la gestion de projet :
Développement d’un produit | Gestion de projet | |
---|---|---|
Produit / service | → | Projet |
Caractéristiques d’un produit | → | Livrables |
Utilisateurs / clients | → | Parties prenantes |
On voit que le modèle de Kano peut également s’appliquer à la gestion de projets, au même titre de la matrice MoSCoW.
Définition
Le modèle de Kano est une modélisation de la satisfaction des utilisateurs. Il est utilisé lors de la conception et/ou du développement d’une offre de produit/service.
Définition wikipédienne
Le modèle de Kano a été proposé par Noriaki Kano en 1984 à partir du constat que la satisfaction et l’insatisfaction, résultant chez un observateur, de la perception d’un produit ou d’un service, ne sont pas des concepts de valeur symétrique. D’après lui en effet, l’existence d’une caractéristique d’un produit/service peut satisfaire un utilisateur, sans que son absence ne provoque une sensation d’insatisfaction.1
Noriaki Kano a, en fait, développé le modèle dans les années 1970 pour la Konica Corporation (devenu Konica Minolta), avant de le proposer dans les années 1980.
Concept
D’un point de vue général, le modèle de Kano décrit la relation entre les caractéristiques d’un produit, les attentes des clients, et leur satisfaction. Le modèle se base
- Sur la perception réel des clients, mais également sur les perceptions potentielles,
- Sur les attentes explicites, mais également les attentes non-exprimées.
Tous les utilisateurs n’ont pas les mêmes besoins, ils n’ont donc pas tous les mêmes attentes vis-à-vis des fonctionnalités elles-mêmes. Par exemple, pour l’achat d’un appareil photo, un passionné de photographie animalière n’aura pas les mêmes attentes, qu’un touriste désirant garder de bons souvenirs de ses voyages. De la même façon, les utilisateurs n’ont pas tous la même réaction face aux fonctionnalités ou la qualité d’un produit : Certains seront emballés par de nouvelles fonctionnalités (sans forcement savoir ce qu’ils en feront), d’autres s’attacheront plutôt aux fonctionnalités éprouvées.
Le modèle de Kano tient compte de cette diversité, en distinguant deux types de qualité pour un produit :
- Les attributs de qualité objectives incluent les caractéristiques, les fonctionnalités principales d’un produit,
- Les attributs de qualité subjectives sont déterminées par les préférences individuelles (comme par exemple le niveau de finition, ou le goût pour la nouveauté).
En considérant les deux types de qualité, le modèle Kano vous permet non seulement de se concentrer sur les fonctionnalités du produit, mais également sur la façon dont les différentes perceptions de la qualité affectent la satisfaction.
Classification des caractéristiques d’un produit
Dans la suite de cet article, nous allons parlé de caractéristiques d’un produit, aussi bien que de qualités, d’attributs, ou de demandes des utilisateurs (requirements).
Le modèle de Kano se base sur un diagramme à deux axes : Fonctionnalité / Satisfaction.
Les caractéristiques sont classées en cinq catégories :
- Les attributs de base (Must be), également appelés attributs de seuil, ou qualités indispensables/obligatoires, ces attributs sont considérés comme indispensables. Comme ils font partis des attributs attendus par les clients, ils sont considérés comme standards / normaux. Leur présence ne génère donc pas de satisfaction particulière, mais inversement, leur absence ou leur dysfonctionnement, conduira à une grande insatisfaction. Exemples :
- Nous attendons d’un réfrigérateur qu’il fasse du froid,
- Que l’on puisse communiquer/téléphoner avec un Smartphone.
- Attributs de performance : ils sont également appelés qualités unidimensionnelles (one-dimensional quality), parce qu’ils génèrent de la satisfaction lorsqu’ils sont présents, et de l’insatisfaction lorsqu’ils ne le sont pas. Ces attributs sont explicitement demandés par les clients, et servent de critères de comparaison entre les produits. Exemples :
- Taille d’un capteur d’un appareil photo,
- Capacité mémoire, ou du disque d’un PC portable.
- Attributs d’attractivité (attractive quality), également appelés attributs d’excitation : Ces attributs ne correspondent pas à des caractéristiques présentes par défaut. Ils ne font pas, non plus, partie des attentes «standards», leur absence ne conduit donc pas à de l’insatisfaction. Par contre, leur présence génère une satisfaction importante, disproprtionnée au regard de l’apport de performance. Ces attributs constituent un avantage décisif, par rapport à la concurrence. Exemples :
- Le design d’un produit,
- Modèles de financement,
- Un parking gratuit (pour un hôtel, ou une résidence de vacances).
- Attributs neutres / indifférents : Ceux-ci ne conduisent ni à la satisfaction, ni à l’insatisfaction, qu’ils soient présents ou non. Ces attributs ne sont importants que pour un groupe très spécifique d’utilisateurs/clients, et ne constituent pas de réel avantage concurrentiel. Exemples :
- Allume-cigare dans une voiture,
- Niveau d’étanchéité d’un appareil photo,
- Attributs de réversibilité (reverse quality): Ces attributs également appelés «attributs de rejet», ou «qualités à double tranchant». En raison de la diversité des utilisateurs/clients, ces attributs provoquent une satisfaction chez une partie d’entre eux, et une insatisfaction chez les autres. Il est extrêmement important d’identifier ces attributs, car ils peuvent être la source d’un échec de commercialisation. Exemple :
- Emballage endommagé,
- Langue du pays pas présente dans le manuel d’utilisation,
- La localisation d’un hôtel.
La figure 7 ci-dessous montre le diagramme de Kano complet :
Les chefs de produit peuvent utiliser le modèle Kano pour s’assurer que les produits qu’ils développent sont conformes à ce que leurs clients veulent et attendent. La réalisation d’une analyse Kano montre une relation directe entre les attributs des produits et la satisfaction client qui en résulte. Ces résultats ne dépendent pas de ce que les développeurs de produits pensent ou supposent, ils ne sont pas non plus basés sur des modèles théoriques. Ils reflètent l’opinion réelle des consommateurs.
Le modèle Kano peut être utilisé dans plusieurs domaines :
- dans le développement de nouveaux produits ou services
- Effectuer une analyse des attentes axée sur l’utilisateur,
- Analyser l’opinion des utilisateurs sur les produits existants,
- Évaluer de nouvelles idées de produits,
- mais surtout dans ce qui nous intéresse ici, la gestion de projet
- Prioriser les fonctionnalités et le backlog pour les développement futurs,
- Gérer les parties-prenantes pour obtenir leur adhésion,
- Prioriser les projets d’un portefolio.
Fonctionnement du modèle Kano
Le questionnaire
Une enquête basée sur le modèle de Kano commence par l’élaboration et l’utilistion d’un questionnaire. Chaque caractéristique est étudiée à l’aide d’une question fonctionnelle, et une question dysfonctionnelle. Chacune des questions ont les mêmes options de réponses :
- Question fonctionnelle : Que pensez-vous d’un produit qui disposerait de la fonctionnalité A ?
- Il m’intéresse beaucoup,
- Il m’intéresse,
- Sans opinion,
- Il me dérange, mais je peux vivre avec,
- Il me dérange beaucoup.
- Question dysfonctionnelle : Que pensez-vous d’un produit qui NE disposerait PAS de la fonction A ?
- Il m’intéresse beaucoup,
- Il m’intéresse,
- Sans opinion,
- Il me dérange, mais je peux vivre avec,
- Il me dérange beaucoup.
Sous forme de tableau, le questionnaire peut prendre la forme suivante :
J’apprécie beaucoup | J’apprécie | Sans opinion | Je tolère | Je déteste | |
---|---|---|---|---|---|
Fonctionnel | - | - | - | - | - |
Présence de l’attribut A | - | - | - | - | - |
Présence de l’attribut B | - | - | - | - | - |
Présence de l’attribut C | - | - | - | - | - |
Présence de l’attribut … | - | - | - | - | - |
Dysfonctionnel | - | - | - | - | - |
Abscence de l’attribut A | - | - | - | - | - |
Abscence de l’attribut B | - | - | - | - | - |
Abscence de l’attribut C | - | - | - | - | - |
Abscence de l’attribut … | - | - | - | - | - |
L’évaluation
La combinaison des résultats des deux questionnaires fonctionnels, et dysfonctionnels, permet de classer les attributs, comme le montre le tableau suivant :
Fonctionnel | Dysfonctionnel | Catégorie | ||
---|---|---|---|---|
J’apprécie | + | Je déteste | → | Attribut obligatoire |
J’apprécie beaucoup | + | Je déteste | → | Attribut de performance (mono-directionnel) |
J’apprécie beaucoup | + | Sans opinion | → | Attribut attractif |
Sans opinion | + | Sans opinion | → | Attribut neutre / non pertinent |
Je déteste | + | Je suis intéressé | → | Attribut de rejet |
Nous obtenons, à la fin, un tableau de ce type :
A partir de là, il est assez facile de classer les attributs par ordre de priorité, et d’établir à la fois les attributs de la première version du produit, mais également une feuille de route pour les versions suivantes.
Plusieurs analyses sont nécessaires
La diversité des utilisateurs conduit à une diversité de perceptions. Il est parfois difficile de classer certains attributs ou caractéristiques d’un produit. Un produit peut donc faire l’objet de plusieurs analyses, une par groupe d’utilisateurs cible.
Contexte
Le questionnaire, et son évaluation doivent tenir compte de l’environnement / du contexte. Pour un produit ou un service donnée, le modèle de Kano évolue dans le temps de façon assez logique : Une fonctionnalité considérée comme novatrice à un instant t, sera considérée comme «standard» après quelques mois.
Avantages / Inconvénients du modèle de Kano
Avantages
- Le modèle de Kano est facile à utiliser (ce n’est finalement rien de plus qu’un questionnaire),
- Par rapport à la méthode MoSCoW (orientée «brainstrom»), la modèle permet de faire participer un plus grande nombre de parties prenantes,
- Le dépouillement du questionnnaire, et le classement des attributs donnent également des indications permettant d’améliorer la communication vers les parties prenantes (ciblage).
Inconvénients
- Le modèle est censé permettre le classement de caractéristiques réelles ou potentielles, mais il faut pour cela ques les caractéristiques potentielles soient déjà identifiées,
- Si les attributs sont nombreux, les questionnaires peuvent devenir trop longs et fastidieux pour les personnes intérrogées.
Kano et la gestion de projet
Comme je l’ai dit en préambule, la méthode de Kano peut s’appliquer dans le domaine de la gestion de projet :
- au sein d’un projet, le modèle peut être utilisé pour prioriser les fonctionnalités à implémenter (un peu comme la méthode MoSCoW),
- dans la gestion de programmes, ou même de portfolio, le modèle est une aide à la priorisation des projets.
La population cible sont les parties prenantes (stakeholders) du projet, que l’on peut éventuellement scinder en plusieurs groupes, en fonction des besoins. Nous pouvons imaginer, par exemple, avoir un groupe pour le management, un groupe pour les utilisateurs finaux, un groupe pour les équipes projet elles-mêmes.
Le questionnaire peut prendre plusieurs formes : un jeu de questions/réponses en face à face, par écrit, un quizz au format électronique.
En plus de la priorisation des livrables, le modèle aide à améliorer la communication vers les parties prenantes, en montrant l’importance qu’ils accordent à certaines caractéristiques, plutôt qu’à d’autres.
Par rapport à d’autres méthodes de priorisation, comme la méthode MoSCoW qui nous donne une classification assez brute, le modèle de Kano apporte des informations plus quantitatives et nuancées, et pas uniquement basées sur les aspects fonctionnels. L’un des principes du modèles est en effet de se baser sur la perception des utilisateurs.
Conclusion
Initialement conçue pour la conception et le développement de produits, le modèle de Kano peut également s’appliquer dans une forme simplifiée à la gestion de projet. Il constitue donc un outil supplémentaire pour le classement et la priorisation des livrables.
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Modèle de Kano de Wikipédia en français (auteurs) ↩︎
Références
- Modèle de Kano sur le site Wikipédia en français,disponible sous licence Contenu soumis à la licence CC-BY-SA
- What is Kano model? sur le site SeeBurger - Blog. Des exemples d’utilisation du modèle pour des SmartPhones, des compagnies aériennes, ou des boutiques en ligne…
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