Qu’est ce que la profondeur de champ?
Lorsque vous prenez une photo, vous faites la mise au point (ou l’auto-focus le fait pour vous) pour rendre net le sujet visé. Cette phase consiste à faire coïncider le capteur avec le plan focale.
L’image est nette pour la distance de mise au point, mais également (et heureusement pour nous), dans une zone commençant un peu avant, et continuant un peu après.
Cette Zone de netteté, est donc la zone située entre le premier et le dernier plan net, de part et d’autre du sujet visé. On parle aussi de plan avant et plan arrière.
La profondeur de champ correspond à la distance entre le premier et le dernier plan net.
Jouer sur la zone de netteté, donc la profondeur de champ (PdC) sert principalement à isoler ou regrouper le sujet visé, de son environnement.
Dans le cas d’un portrait, par exemple, une faible PdC permet d’isoler le sujet de l’arrière plan. Le regard se focalise sur le visage, et non sur ce qu’il y a autour.
A l’inverse, dans le cas d’un paysage, surtout s’il est composé d’éléments à des distances différentes, une plus grande PdC permet de rendre nette tout les éléments du décor, en augmentant ainsi la notion de … profondeur.
Calcul de la profondeur de champ
Jusque là, tout était simple (j’espère). Nous allons passer à la partie mathématique, forcement moins rigolote, mais qui me semble importante pour bien comprendre comment les choses se passent. Nous allons commencer par établir quelques définitions.
Cercle de confusion
Les cercles de confusion sont les plus petits points placés l’un à côté de l’autre qu’il est possible de distinguer sur une surface sensible (négatif ou capteur numérique). Source Wikipédia.
En argentique, la grandeur de ces cercles est calculée en tenant compte du pouvoir séparateur de l’oeil humain. La valeur utilisée comme diamètre du cercle de confusion est e=30µm, pour le format 24×36.
En numérique les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées: Simples, parce que la définition du cercle de confusion s’applique bien aux pixels. Si une scène composées de deux points correspond bien à une image de deux pixels distincts, nous pouvons considérer que la photo est nette. Compliquées parce que l’image d’une scène subit de très nombreuses transformations, avant et après son arrivée sur le capteur (filtres antialiasing, amplification, dématriçage …). La taille du cercle de confusion va donc dépendre de la taille des pixels, ainsi que d’autres facteurs plus difficiles à appréhender. Je n’ai pas réellement trouvé de références absolues concernant les valeurs à utiliser. Le diamètre du cercle de confusion varie entre 1,5 et 3 fois la taille des pixels du capteur. Nous prendrons la valeur 2 pour la suite de l’article.
Avec cette valeur, nous avons:
- Pour un Canon 40D, dont les pixels mesurent 5,7µm, e=11,4µm,
- Pour un appareil Full Frame, du type Canon 5D, les pixels mesurent 8,2µm, e=16,4 µm,
- Pour les compacts, les pixels mesurent moins de 3µm, e < 6µm.
Hyperfocale
Plaçons nous dans le cas d’une mise au point à l’infini, et d’un indice d’ouverture maximum (f/22 par exemple).
Le dernier plan de netteté (plan arrière) sera situé très très loin derrière le plan de mise au point, tandis que la premier plan de netteté (plan avant) sera plus ou moins proche de l’appareil photo.
La distance hyperfocale H est la distance entre le plan focal (le capteur) et le premier plan net, lorsque l’on fait la mise au point à l’infini.
Cette distance hyperfocale a une propriété intéressante: si la distance de mise au point est égale à l’hyperfocale, alors tous les composants de l’image situés entre l’infini et H/2, seront nets.
Cette technique peut être avantageusement utilisée dans les situations où l’autofocus peut avoir du mal fonctionner correctement: une fois réglé sur l’hyperfocale, il n’y a plus qu’à déclencher, nous savons que la photo sera nette jusqu’à une distance relativement proche de nous. Cette technique est bien décrite dans un article de Déclencheur.
La distance hyperfocale se calcule assez simplement: H = f*f / (n x e)
où f est la focale, n est l’indice d’ouverture, et e le diamètre du cercle de confusion.
Par exemple, sur un appareil argentique, pour un objectif de 50mm, ouvert à f/4, nous aurons H = 5050/(40,03) = 20,8m.
Je reviens sur cette notion d’hyperfocale dans un article dédié
Calculs
Nous avons maintenant toutes les définitions nécessaires au calcul de la profondeur de champ.
Dans la suite des calculs nous prendrons les conventions suivantes:
- f: la focale,
- n: l’indice d’ouverture,
- e: le diamètre du cercle de confusion,
- H: la distance hyperfocale,
- d: la distance de mise au point.
Nous savons déjà que l’hyperfocale H = ff / ne.
La distance du premier plan net PPN estPPN = Hd / (H+d).
La distance du dernier plan net DPN est DPN = Hd / (H-d).
La profondeur de champ est donc: PdC = DPN – PPN.
Exemple: nous conservons notre appareil argentique, doté d’un objectif 50mm, à f/4, et notre sujet à distant de 5m. L’hyperfocale sera H = ( (50 x 50)/(4 x 0,03) ) = 20833mm = 20,8m, et la profondeur de champ sera de PdC = (20,85)/(20,8-5) – (20,85)/(20,8+5) = 2.55m
Conséquences photographiques
Comme nous venons de la voir dans le paragraphe précédent, la profondeur dépend essentiellement de deux paramètres:
- Distance du sujet sur lequel nous avons fait la mise au point,
- Ouverture du diaphragme, qui dépend de la focale, et de l’indice d’ouverture.
Appliquons les formules précédentes dans les trois tableaux suivants pour comprendre comment fonctionnent ses dépendances:
Ouverture constante f/4, e=0,03mm
Focale | HyperFocale | dist 1m | dist 2m | dist 3m | dist 4m | dist 5m | dist 10m | dist 20m |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
17 | 2,43 | 0,99 | 10,15 | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini |
28 | 6,60 | 0,31 | 1,33 | 3,44 | 7,66 | 17,79 | Infini | Infini |
35 | 10,31 | 0,20 | 0,81 | 1,91 | 3,65 | 6,34 | 326,00 | Infini |
50 | 21,04 | 0,10 | 0,38 | 0,87 | 1,58 | 2,52 | 12,28 | 392,97 |
75 | 47,35 | 0,04 | 0,17 | 0,38 | 0,68 | 1,07 | 4,42 | 20,57 |
100 | 84,18 | 0,10 | 0,21 | 0,38 | 0,60 | 2,41 | 10,07 | |
200 | 336,7 | 0,05 | 0,10 | 0,15 | 0,59 | 2,38 | ||
300 | 757,58 | 0,04 | 0,07 | 0,26 | 1,06 |
Focale constante = 50mm, e=0,03mm
Ouverture | HyperFocale | dist 1m | dist 2m | dist 3m | dist 4m | dist 5m | dist 10m | dist 20m |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
f/2,8 | 30,06 | 0,07 | 0,27 | 0,60 | 1,08 | 1,71 | 7,48 | 47,74 |
f/4 | 21,04 | 0,10 | 0,38 | 0,87 | 1,58 | 2,52 | 12,28 | 392,97 |
f/5,6 | 15,03 | 0,13 | 0,54 | 1,25 | 2,29 | 3,74 | 23,87 | Infini |
f/8 | 10,52 | 0,19 | 0,79 | 1,86 | 3,56 | 6,14 | 196,49 | Infini |
f/11 | 7,65 | 0,27 | 1,12 | 2,78 | 5,75 | 11,40 | Infini | Infini |
f/16 | 5,26 | 0,39 | 1,78 | 5,07 | 14,42 | 98,24 | Infini | Infini |
f/22 | 3,83 | 0,56 | 2,88 | 12,21 | Infini | Infini | Infini | Infini |
Distance constante = 5m, e= 0,03mm
Focale / Ouverture | f/1,4 | f/2 | f/2,8 | f/4 | f/5,6 | f/8 | f/11 | f/16 | f/22 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
17 | 14,91 | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini |
28 | 2,85 | 4,42 | 7,38 | 17,79 | Infini | Infini | Infini | Infini | Infini |
35 | 1,75 | 2,58 | 3,84 | 6,34 | 12,59 | 163,00 | Infini | Infini | Infini |
50 | 0,84 | 1,21 | 1,71 | 2,52 | 3,74 | 6,14 | 11,40 | 98,24 | Infini |
75 | 0,37 | 0,53 | 0,74 | 1,07 | 1,51 | 2,21 | 3,17 | 5,14 | 8,76 |
100 | 0,21 | 0,30 | 0,42 | 0,60 | 0,84 | 1,21 | 1,68 | 2,52 | 3,66 |
200 | 0,05 | 0,07 | 0,10 | 0,15 | 0,21 | 0,30 | 0,41 | 0,60 | 0,82 |
300 | 0,02 | 0,03 | 0,05 | 0,07 | 0,09 | 0,13 | 0,18 | 0,26 | 0, |
Toutes ses valeurs doivent être interprétées comme des ordres de grandeur.
Que pouvons-nous déduire de ces tableaux:
- A focale constante et ouverture constante, plus la distance est grande, plus la PdC est grande,
- A focale et distance constante,
- plus l’ouverture est grande (plus le chiffre est petit), plus la PdC est courte,
- inversement, plus l’ouverture est petite (plus le chiffre est grand), plus la PdC est importante.
- A ouverture et distance constante, plus la focale est importante, plus la PdC est courte.
Rapprochons maintenant ces quelques principes avec les styles de photo:
- Pour le portrait: L’utilisation d’une petite focale (17 ou 28mm) pose un problème, puisqu’il faut beaucoup s’approcher du sujet pour avoir une PdC satisfaisante, même avec une grande ouverture. La trop grande proximité générera des déformations importantes.
A l’inverse, si l’on utilise une grande focale (200mm), la profondeur de champ va être correcte, même avec des ouvertures moyennes (f/4 à f/8), mais il faudra beaucoup s’éloigner du sujet.
Avec une focale moyenne, entre 50 et 100mm, la profondeur de champ devient intéressante (entre 30cm et 1 mètre), avec des distances raisonnables (2 à 4 mètres), et des ouvertures qui peuvent rester moyennes. Voilà pourquoi ces focales sont conseillées pour faire du portrait. - Inversement, pour une paysage:
Une grande focale ne permet pas d’avoir un angle de champ suffisant, et il faudra avoir une très petite ouverture pour obtenir une profondeur de champ raisonnable,
Une petite focale donnera à la fois un grand angle de champ, mais également une très grande profondeur de champ, même avec des ouvertures moyennes.
Les effets du numérique
Comme indiqué dans l’article sur la distance focale, la taille des capteurs n’influence absolument pas la profondeur de champ.
Par contre, la taille des pixels joue un rôle non négligeable car elle influe sur le diamètre du cercle de confusion, qui fait partie intégrante du calcul de l’hyperfocale, et de la PdC. Des pixels plus petits ont tendance à réduire la PdC. D’une manière générale, les compacts auront donc une profondeur de champ plus courte que les reflex.
Le numérique apporte un autre effet, plus problématique: les transitions entre zones floues et zones nettes sont beaucoup plus franches en numérique qu’en argentique, ce qui enlève à l’esthétique de certaines photos. Ce phénomène très débattu, explique pourquoi certains préfèrent encore rester en argentique.
Le bouton de « Contrôle de la profondeur de champ »
Les valeurs des tableaux précédents permettent d’avoir de bons ordres de grandeur, mais l’estimation de la profondeur de champ reste une question d’expérience et d’habitude, d’autant que, lors de la visée, le diaphragme reste grand ouvert, et ne se ferme que lors du déclenchement (voir article sur l’ouverture).
La plupart des boîtiers reflex disposent d’un mécanisme qui permet de fermer le diaphragme à la valeur sélectionnée pour se rendre compte à la fois de la PdC et de la luminosité. En phase d’apprentissage, ce dispositif est particulièrement intéressant, voir indispensable, car il évite ainsi bien des erreurs.
Conclusion
La profondeur de champ est un paramètre important pour l’esthétique des photos. Il est simple à comprendre, mais demande un peu d’habitude ou d’expérience pour être bien maîtrisé. En raison des caractéristiques techniques du numérique, cet apprentissage devra être renouvelé à chaque changement de matériel.
Trop focalisé sur la PdC, veillez cependant à ne pas tomber dans les excès, ou oublier les autres paramètres de la photo (je parle d’expérience): faible PdC ne veut pas forcement dire ouvrir f/1,4, et grande PdC ne veut pas dire fermer à f/22, car à ces ouvertures, d’autres contraintes apparaissent, qui rendront votre photo inexploitable, même si vous avez obtenu la bonne profondeur de champ.
Références
- (fr) René Bouillot – La pratique du reflex numérique – Edition VM – Mai 2006,
- (fr) Profondeur de champ. (2008, février 24). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 22:01, mars 12, 2008 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Profondeur_de_champ,
- Cercle de confusion. (2008, février 12). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 18:01, mars 14, 2008 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Cercle_de_confusion,
- (fr) Frédéric Kiener – La profondeur de champ – TechnicPhoto,
- (fr) Hyperfocale et profondeur de champ – Galerie-Photo,
- (fr) Calculateur de profondeur de champ – Calcul de la profondeur de champ,
- (fr) Grumot – La profondeur de champ – VirusPhoto.com,
- (en) Don Fleming – Depth of field calculator – http://www.dofmaster.com/.
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