La théorie
Zone de netteté
Commençons par faire un petit rappel: lorsque nous faisons la mise au point sur un sujet, nous définissons une zone de netteté: L’image est nette pour la distance de mise au point, mais également, dans une zone commençant un peu avant (1/3 de la distance), et continuant un peu après (2/3 de la distance). Mise au point et profondeur de champ Profondeur de champ.
Nous avons donc trois points importants: la distance de mise au point, le premier plan net, et le dernier plan net. La distance séparant le premier du dernier plan est appelée profondeur de champ.
Hyperfocale
L’hyperfocale ou distance hyperfocale, est la distance minimum pour laquelle les sujets seront perçus comme nets quand on règle la bague de mise au point sur l’infini. (définition Wikipédia)
La distance hyperfocale et le premier plan net coïncident lorsque la distance de mise au point est située à l’infini.
L’hyperfocale varie en fonction de la focale et de l’ouverture, en suivant la formule suivante:
Il faut diviser le résultat par 1000 pour obtenir un résultat en mètre.
Concernant la focale, il n’y a pas de conversion à faire pour les petits capteurs (APS-C, DX, …). Il faut prendre la focale telle qu’elle est sélectionnée sur l’optique.
Le cercle de confusion dépend du matériel, notamment de la taille des pixels du capteur. Vous pouvez trouver la valeur du cercle de confusion pour votre boîtier (en) ICI ou (fr) LA.
Prenons un exemple:
- Nous disposons d’une optique à focale fixe: 50 mm,
- Nous avons choisi une ouverture de f/11,
- Nous avons un reflex APS-C dont le cercle de confusion est de 0.020 mm.
Dans ce cas, la distance hyperfocale est H = (50 * 50) / ( 11 * 0.020) = 11363 mm, soit environ 11,36 mètres.
Donc dans les conditions que nous venons de donner, si nous effectuons la mise au point sur l’infini, tout sera net de 11 mètres jusqu’à l’infini.
Faire la mise au point sur l’hyperfocale
Jusqu’à présent, nous avons parlé de mise au point sur l’infini. Mais l’hyperfocale a une propriété intéressante: si nous effectuons la mise au point sur la distance hyperfocale, le premier plan net sera à une distance égale à la moitié de l’hyperfocale.
Prenons un autre exemple:
- Nous disposons d’une optique à focale fixe: 24 mm,
- Nous avons choisi une ouverture de f/11,
- Nous avons un reflex APS-C dont le cercle de confusion est de 0.020 mm.
Dans ces conditions, notre hyperfocale est H = 2,6 mètres.
Donc si nous effectuons la mise au point sur l’infini, tout sera net de 2,6 mètres jusqu’à l’infini. Mais si nous effectuons la mise au point sur un sujet situé à 2,6 mètres, tout sera net de 2,6/2 = 1,3 mètres à l’infini.
Dans l’article sur l’ouverture et la profondeur de champ je me suis arrêté à ce niveau. Cette fois je vais rentrer un peu plus dans le détail pour comprendre les conséquences et les utilisations possibles de l’hyperfocale.
Un moment de réflexion
Arrêtons nous donc, quelques instants sur ces notions d’hyperfocale, de premier et dernier plan net, pour bien les comprendre, et en analyser les conséquences.
D’abord, regardons l’évolution de la distance hyperfocale en fonction de l’ouverture.
Que retenir de ce graphique?
D’abord que l’hyperfocale diminue avec l’ouverture, ensuite qu’elle est également proportionnelle au carré de la focale. D’un point de vue photographique, sur le terrain, cela veut dire que
- Plus nous fermons (plus l’indice d’ouverture est grand), plus nous pouvons intégrer d’objets proches, puisque l’hyperfocale diminue,
- Plus la focale est grande, moins l’hyperfocale est intéressante. A la focale 70mm, la distance hyperfocale, même à f/32 atteint les 8 mètres.
L’hyperfocale ne répond donc pas à tous les besoins. Au dessus de la focale 35mm, et d’une ouverture de f/8, si l’on effectue la mise au point sur la distance hyperfocale, le premier plan net ne sera jamais inférieur à 4 m.
Regardons maintenant le graphique suivant: les zones colorées correspondent à la zone de netteté, et les barres verticales sont les valeurs hyperfocales.
- Premier constat: le dernier plan net passe l’infini (et au-delà) lorsque la distance de mise au point devient supérieure à la distance hyperfocale. Cela veut dire que cette notion n’est pas uniquement utilisée pour rapprocher le premier plan net. Elle sert également a s’assurer que le dernier plan est à l’infini. Dans l’exemple précédent (24 mm, f/11), si nous effectuons la mise au point sur un objet situé au-delà des 2,6 m, nous sommes sûres que tout est net de ce point à l’infini,
- Second constat: à ouverture constante, plus la focale est importante, plus il faut « fermer » pour obtenur de la profondeur de champ, mais nous la savions déjà.
Le principe de l’hyperfocale est donc aussi important pour le premier que pour le dernier plan net.
Résumons-nous:
Mise au point | Premier plan net | Dernier plan net |
---|---|---|
Infini | Distance hyperfocale | Infini |
Supérieurece à l’hyperfocale | (1-1/3)*distance de mise au point, Inférieure à l’hyperfocale | Infini |
Distance hyperfocale | 1/2 hyperfocale | Infini |
Inférieure à l’hyperfocale | (1-1/3)*distance de mise au point, Inférieure à l’hyperfocale | (1+2/3)*distance de mise au point |
Pourquoi faire?
L’hyperfocale répond à deux grands types de besoins:
- Obtenir une profondeur de champ maximum,
- Simplifier la prise de vue, en éliminant les problématiques de mise au point.
Pour les paysages
Pour les photos de paysages, passé les paramètres Sensibilité / Ouverture / Obturation, les questions qui suivent souvent sont «Ou faire la mise au point? » et «Comment être sûre que tous les éléments de ma scène soient nets » (s’il s’agit de l’effet souhaité).
Si nous faisons la mise au point sur la zone la plus éloignée de la scène, le risque est d’avoir les éléments d’avant plan hors de la zone de netteté. Si l’on fait la mise au point au plus près, l’arrière plan risque d’être flou.
Dans ce cas, la notion d’hyperfocale peut être nous aider de deux façons:
- D’abord, si l’on fait la mise au point sur l’infini, nous savons que la zone de netteté commence à la distance hyperfocale (2,6 mètres dans notre dernier exemple). Il nous suffit donc de cadrer pour que les éléments de notre scène soient au-delà de cette distance,
- Ensuite, faire la mise au point sur la distance hyperfocale nous permet de rapprocher le premier plan net, et donc d’inclure des objets proches, sans pour autant sacrifier la netteté de l’arrière plan.
Photo de reportage, scènes quotidiennes
La notion d’hyperfocale peut-être particulièrement utile dans certaines conditions de prise de vue:
- Pour éviter les défauts de mise au point: face à des sujets mobiles, rapides, elle compense les faiblesses du matériel (ou du photographe). Les photos de sport, ou d’enfants sont deux bons exemples,
- Pour accélérer la prise de vue: en mode hyperfocale, le photographe n’a plus à gérer la mise au point, et il peut se concentrer sur l’exposition, et le cadrage.
Plus la focale est courte, plus les sujets cadrés pourront être proches.
En pratique
A priori, l’hyperfocale n’est pas très difficile à appliquer. Il faut
- Les valeurs d’hyperfocale de son matériel,
- Effectuer les réglages qui conviennent sur son optique
- Passer en mode manuel (MF Manual Focus),
- Faire la mise au point à la distance hyperfocale.
Connaître les valeurs hyperfocales de son matériel est assez facile. Nous trouvons un peu partout sur internet, des tableaux pré-remplis ou des abaques, le plus connus étant DofMaster.
Comme les règles de calcul sont relativement simples, nous pouvons également nous fabriquer nos propres tableaux, comme celui-ci, par exemple:
Pour la mise au point, les choses se compliquent un peu. En effet, sur les optiques les plus répandues (Nikon, Canon, Sony, Pentax, …), la bague de mise au point est de moins en moins graduée. Il devient donc particulièrement difficile de faire la mise au point sur une distance précise. Sur mon 17-55 par exemple, les graduations sont 0.35m, 0.5m, 1m, 3m et l’infini.
Comme nous l’avons constater dans les différents graphiques, il n’est pas obligatoire d’être sur la valeur exacte. Se rapprocher de la valeur suffit, à condition de rester au dessus, ce qui reste difficile si nous savons mal évaluer les distances (ce qui est mon cas).
Un exemple
La photo en elle-même n’a pas un très grand intérêt, mais le but était d’illustrer cet article. Les photos ont toutes été prises au Parc de la Perraudière (Saint Cyr sur Loire) avec la même exposition. Focale: 17mm, sensibilité: 200 ISO, Ouverture: f/8, obturation: 1/100s.
Sur un Canon 40D, à 17mm et f/8, l’hyperfocale est de 2,7m.
Si l’on regarde attentivement les parties agrandies des arbres et du banc, nous voyons bien que
- quand la mise au point sur l’infini, le banc est plutôt flou, et les arbres sont nets,
- quand la mise au point est sur le bord du banc, les arbres sont flous, mais le banc est net,
- quand la mise au point est à environ 3 mètres, tout est net (peu mieux faire sur les arbres, je vous l’accorde).
Nous avons là une bonne démonstration de ce que peut nous apporter l’hyperfocale pour la photo de paysage.
Conclusion
L’hyperfocale est une notion qui peut paraître abstraite au premier abord. Elle constitue pourtant une autre façon d’appréhender les problématiques de netteté liées à la mise au point. En effet, nous parlons souvent de maximiser ou de minimiser la profondeur de champ, alors que finalement, dans beaucoup de cas, l’important est plutôt de connaître ces limites. Pour cela, l’hyperfocale constitue un outil simple et rapide: il suffit de mémoriser quelques valeurs sur des focales clés (17, 24, 35, 50 mm) et le tour est joué.
Références
- La définition de l’hyperfocale sur Wikipédia,
- Le numéro 77 des Mercredi pratique de Phototrend,
- Virus Photo propose un tableau Excel permettant de se faire rapidement un abaque en fonction de notre matériel.
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