Commençons par les définitions
Du point de vue d’un photographe, une journée de 24h se découpe en 4 périodes :
- La journée, caractérisée par une abondance de lumière, le soleil est assez haut dans le ciel,
- L’heure dorée est une période assez courte, qui succède au lever du soleil, ou qui précède le coucher du soleil, pendant laquelle la lumière est plus douce qu’en journée, et tend vers les jaunes / orangées,
- L’heure bleue est la période entre le jour et la nuit où le ciel se remplit presque entièrement d’un bleu foncé,
- La nuit est caractérisée par une très faible luminosité, un ciel sombre.
L’heure dorée et l’heure bleue sont les termes désignant les deux phases du lever et du coucher du soleil : L’heure dorée correspond globalement à l’heure qui précède la disparition du soleil derrière l’horizon, alors que l’heure bleue démarre lorsque le soleil disparaît.
En fonction des conditions, la transition entre ces deux périodes peut se traduire par une couleur blanche du ciel.
Que faire pendant ces périodes ?
La nuit
Cette période correspond à une quasi-absence de lumière. Le ciel est très sombre, et les couleurs disparaissent (la nuit tous les chats sont gris). Pour les paysages urbains, il y a trop de contraste entre les zones éclairées, et les zones sombres. Donc la nuit, on ne fait rien ! Il y a quand même quelques exceptions, parmi lesquelles les photos astronomiques, les photos de la voie lactée. Je ne m’attarderai pas sur ce domaine précis, car je ne l’ai pas encore réellement pratiqué. La préparation est primordiale avec, entre autres, la recherche d’une zone sans pollution lumineuse.
La période peut être assez longue en fonction de la saison (plusieurs heures).
L’heure bleue
Cette période offre de multiples avantages pour un photographe. Contrairement à la période précédente, les couleurs n’ont pas encore complètement disparu, et les écarts de luminosité entre les zones claires et sombres sont parfaitement gérables. L’éclairage étant indirect (puisque le soleil est sous l’horizon), les ombres disparaissent. Les temps de pose restent raisonnables. Ce moment est appelé heure bleue, car le ciel est quasiment intégralement d’un bleu plus foncé que le bleu de la journée, mais beaucoup moins sombre que celui de la nuit. Même si l’on réduit le temps de pose, le ciel restera bleu, et ne deviendra pas noir. L’heure bleue est donc un moment privilégié pour la photographie. C’est pendant cette période que l’on fait les photos dites « de nuit ».
Les trois photos suivantes montrent l’effet « heure bleue » sur un paysage. Il s’agit d’une journée d’hiver (fin décembre), donc le ciel gris rend tout un peu fade (figure 3). Ce même paysage se transforme radicalement pendant la période « heure bleue » (figure 4) : le reflet du ciel bleu sur l’eau du port (couleurs froides), s’oppose aux éclairages des bâtiments (des couleurs chaudes). En termes d’exposition, l’écart de luminosité entre ces deux parties reste gérable.
Quelques minutes plus tard, nous entrons dans la phase « nuit » : l’écart de luminosité n’est plus gérable, en donnant la priorité aux bâtiments, le ciel devient une masse noire. Les temps de pose s’allongent, les objets en mouvement sont plus difficiles à capturer (le drapeau).
Les galeries suivantes donnent deux autres exemples :
Les résultats obtenus pendant cette période dépendent beaucoup de la météo : un ciel sans nuage, ou très peu nuageux est l’idéal. Un ciel couvert ou chargé ne donnera rien (puisque les nuages cacheront le ciel).
Contrairement à la nuit, les couleurs subsistent, mais elles sont fortement atténuées. C’est pour cela que si vous parcourez les sites du type FlickR, pxhere, ou d’autres sites équivalents, vous verrez que les photos prises pendant l’heure bleue sont très souvent des photos de paysages urbains. Ces photos mettent en valeur le contraste de couleur, entre le bleu du ciel, et les éclairages urbains plutôt de couleurs chaudes.
Les photos de paysages de nature sont possibles, mais elles sont plus complexes : le ciel propose un dégradé qui va du blanc jusqu’au bleu, mais le décor n’est plus éclairé par le soleil. En réalisant la mesure d’exposition sur le ciel, le décor deviendra sombre, voir noir.
Dans les deux exemples ci-dessous, on peut voir sur la photo figure 6 que les montagnes sont sombres. S’il n’y avait pas la mer, 3/4 de la photo serait du même ton, et la photo ne serait pas intéressante. Sur la photo figure 7, qui a probablement été prise au tout début de la période, car il y avait encore de la luminosité, et l’on perçoit encore les rayons du soleil. L’exposition reste gérable, entre le ciel et le décor.
Points d’attention :
- La période est extrêmement courte, de 10 à 30 minutes. Viser cette période demande donc une préparation précise,
- La balance des blancs est difficile à gérer. Les dérives des couleurs vers le bleu sont plus ou moins importantes, et ne sont pas évidentes à corriger. Pour la photo de la figure figure 4, par exemple, je suis passé de 3900° K, à 4500° K, pour réduire la tendance bleutée des murs, ou de la coque des bateaux. Mais j’aurais pu monter encore. Dans le cas de la galerie sur le château de Villandry, le problème est plus subtile : la correction porte sur les tons trop chauds de l’éclairage. Mais « refroidir » les couleurs de cet éclairage change la couleur du ciel, qui devient moins naturelle.
L’heure dorée
C’est l’autre période privilégiée par les photographes ! Les couleurs virent au rouge / orange / jaune. La lumière est plus douce qu’en pleine journée, les ombres s’allongent, puisque le soleil est plus bas qu’en journée, et la lumière est donc rasante. Ces conditions peuvent complètement transformer un paysage. Le matin ces effets, combinés à la brume, donnent toujours des paysages fantastiques. Cette période peut être assez exigeante également.
Voici deux exemples :
Même remarque pour la période précédente : ce n’est pas parce que vous êtes au bon endroit à la bonne heure que la photo sera parfaite, ce serait trop facile ! Les résultats obtenus sont très dépendants de la météo. L’idéal est d’avoir un ciel légèrement nuageux. Un ciel sans nuage donnera un beau dégradé de couleurs allant du bleu à l’orangé, « sans plus ». A l’opposé, un ciel trop chargé cachera le soleil, et ne permettra pas d’obtenir les couleurs attendues.
L’heure dorée dure environ 1 heure, en fonction des conditions. C’est plus long que l’heure bleue, mais en fonction des latitudes, le soleil « tombe » très vite. Là encore, une bonne préparation est importante. A titre d’exemple, j’ai mis les heures de prise de vue dans la galerie «diamant», pour montrer que les images les plus intéressantes sont au moment ou le soleil est au plus bas, et se tiennent toutes dans une période de 5 minutes.
Cette période « heure dorée » est celle du coucher de soleil, mais ce n’est pas l’unique sujet possible. En fait, il y a globalement deux stratégies :
- Soit l’on photographie le paysage face au soleil (figure 8),
- Soit l’on se positionne dos au soleil, pour capturer les effets orangés du soleil, sur le paysage (figure 9).
La journée
Ce n’est pas vraiment le sujet de l’article, je vais donc passer rapidement.
- S’il fait beau, avec un beau ciel bleu, il faut veiller à ne pas être face au soleil. La lumière peut être « dure », mais si le ciel est bleu, il n’y a aucun problème d’exposition. Deux écueils possibles
- La réverbération, quand des surfaces claires renvoient une quantité trop importante de lumière par rapport au reste,
- La gestion des ombres : la lumière étant intense, les ombres sont très marquées.
- Si le ciel est nuageux, vous aurez des problèmes de contrastes, entre le ciel et le reste. Il n’y a pas de solution miracle, je vous renvoie au chapitre exposition,
- Si le ciel est laiteux (blanc / gris), le ciel joue le rôle d’un gigantesque diffuseur, les couleurs sont atténuées/fades, et l’écart de luminosité est quasiment impossible à gérer entre le ciel, et le décor. Soit vous choisissez d’exposer sur le ciel, et vous obtiendrez un décor sombre, soit vous exposez sur le décor, vous obtiendrez un ciel blanc. Il n’y a pas de solutions miracles. Quelques pistes cependant :
- Travailler la composition pour y inclure qu’une très petite partie du ciel (ou pas de ciel du tout),
- Se focaliser sur des petites parties du paysage,
- Au contraire, inclure le ciel, en pensant à un futur développement en noir et blanc.
Les outils
Nous avons la chance aujourd’hui, d’avoir des outils assez géniaux à disposition : le moindre Smartphone nous donne accès à des quantités énormes d’informations, et à un catalogue d’applications parfois utiles. Nous avons deux catégories d’outils
Les sites peuvent nous donner des indications sur la date et l’heure de prise de vue grâce aux données EXIF de la photo, éventuellement la position si la photo embarque des coordonnées GPS.
Pour les applis, historiquement, la première me semble être The Ephemeris Photographer, mais il en existe une multitude aujourd’hui. Toutes ces applications nous donnent les heures dorées, les heures bleues, la position du Soleil et de la Lune, … en fonction de la date, et du lieu. Les indications ne sont pas uniquement fournies pour les périodes bleues et dorées, mais elles permettent de prévoir où se placer par rapport au soleil, ou de montrer la position de la lune (pour les photos de nuit).
Par exemple, il y a fort longtemps (fin 2007), j’avais repéré sur la route un coucher de soleil presque en alignement avec le rocher du Diamant à la Martinique. A l’époque ces applications n’existaient pas. Je suis donc retourné sur place plusieurs fois, jusqu’au jour où il y avait effectivement alignement. Ce jour-là, j’étais particulièrement chanceux, puisque les couches nuageuses ont permis un véritable embrasement du ciel (voir la galerie un peu plus haut).
Ce genre d’application sont utiles pour toutes les périodes : en journée, pour des photos de famille, des portraits en extérieur, en donnant la position, et la hauteur du soleil, ces applications permettent de comprendre très rapidement, si le lieu initialement prévu, conviendra ou pas (risques de contre-jour, d’ombres difficiles à gérer, …).
Conclusion
Nous venons de voir la notion d’heure bleue, et d’heure dorée. Ces deux périodes sont privilégiées en raison des conditions lumineuses particulières. Mais elles demandent un vrai travail de la part du photographe. D’une part ces deux périodes sont relativement courtes, et d’autre part, la qualité de lumière qu’elles offrent est très variable en fonction de la météo, et d’un grand nombre d’autres facteurs. Cela implique donc une solide préparation, et d’accepter de revenir plusieurs fois, au même endroit, pour capturer la meilleure lumière possible. Ce travail finit par être récompensé.
Références
- Heure bleue sur le site Wikipedia (fr)
- Golden Hour sur le site Wikipedia (en)
Commentaires