Photo au flash: exposer pour la lumière ambiante

Reprise de mes discussions sur la photo au flash. Lorsque nous débutons, nous faisons, en général, deux reproches aux photos prises avec cet accessoire: le premier plan est souvent surexposé, et l’arrière plan quasiment absent (cramé en extérieur, ou bouché en intérieur). Nous allons voir pourquoi nous avons ces défauts, et comment les corriger.

Photo au flash: exposer pour la lumière ambiante

Préambule

Pour aller plus vite dans mes explications, je ferai référence à 4 de mes 8 principes de la photo au flash.

  • Principe 4: Lorsque nous réalisons une photo au flash, nous devons considérer deux expositions: l’exposition à la lumière ambiante, et l’exposition au flash,
  • Principe 5: Le flash expose prioritairement le premier plan, la lumière ambiante gère le reste de la scène photographiée,
  • Principe 6: La vitesse d’obturation n’a aucune influence sur l’exposition au flash,
  • Principe 8: Le flash et le boîtier disposent de leur propre système de mesure d’exposition. Chacun des équipements travaillent de façon indépendante, mais en communiquant avec l’autre.

Dans tous les exemples, le flash est systématiquement utilisé en mode automatique (TTL), et l’éclairage est direct, sauf qu’en je mentionne le contraire.

Lumière ambiante faible

Le contexte: photographier des personnes, dans une pièce avec un éclairage artificiel un peu faible.

Le constat

Commençons par utiliser les mécanismes du boîtier: mode P.

Mode P, Iso 400, f/4, 1/60s
Mode P, Iso 400, f/4, 1/60s

Nous avons bien le résultat habituel: le personnage semble sur exposé, et l’arrière plan est sombre.

Pour comprendre le résultat, rappelons rapidement les principes 4 et 5: nous devons gérer deux expositions:

  • celle du premier plan (exposée par le flash)
  • celle de l’arrière plan de la scène (exposée par la lumière ambiante),

Si nous effectuons des mesures d’exposition, avec notre boîtier, nous obtenons des vitesses qui varient de 1/15s à 1/8s, à ISO 400, et f/2.8, ce qui correspond à des valeurs de 4 IL à 5 IL. En choisissant 1/60, à 400 ISO, soit 8 IL, les automatismes du boîtier ont sous-exposé l’arrière plan.

De son côté (principe 8), le flash a fait son travail correctement pour l’avant plan, a participé un peu a l’exposition de l’arrière plan, mais pas suffisamment.

En effet, aux trois principes déjà énoncés précédemment, s’ajoute la loi de carré inverse. Si le fond et le personnage sont éloignés, la puissance lumineuse touchant les meubles est beaucoup moins importante que celle qui touche le personnage.

La solution

Passons en mode manuel, essayons de nous rapprocher des valeurs d’exposition du fond: en partant de ISO 400, f/4, augmentons le temps de pose:

La photo est beaucoup mieux équilibrée. Comme la partie lumière ambiante est plus importante par rapport à celle du flash, la balance des blancs est décalée, vers le jaune.

Dans la vrai vie, nous ne photographions pas des statues: 1/8 ou 1/15 s’avère souvent trop lent, et augmente les risques d’un flou de mouvement, ou de bougé. Pour réduire les risques, donc augmenter la vitesse d’obturation, nous pouvons jouer

  • sur la sensibilité: Un passage à 800 ISO nous permet de rester à des valeurs de 1/60s, ce qui est suffisant, si le déplacement des sujets n’est pas trop rapide.
  • sur l’exposition elle-même: le sujet principal de la photo n’étant pas le décor, mais les personnes que nous photographions, nous pouvons nous permettre une légère sous-exposition, pour encore gagner quelques dixièmes.

Dernier point, avec les mêmes réglages, mais en orientant la tête du flash vers le plafond:

La lumière réfléchie a une plus grande couverture que l’éclairage direct, son influence est plus importante sur le fond. Nous pouvons donc nous permettre de réduire encore le temps de pose pour travailler plus confortablement.

Lumière ambiante élevée

Nous allons maintenant, aborder le cas inverse: l’arrière plan est plus lumineux alors que le sujet / premier plan est plutôt sombre. Ce cas est assez fréquent en extérieur (contre jour par exemple).

Le constat

En exposant le sujet, nous obtenons le résultat suivant:

Mode M, ISO 400, f/4, 1/250s
Mode M, ISO 400, f/4, 1/250s

La photo n’est pas forcement une catastrophe, mais en réalité, le ciel est bleu …

Parenthèse: ne me demandez pas pourquoi je suis à 400 ISO, je ne me souviens plus.

La solution

Le ciel est donc surexposé. Ce résultat inverse du précédent, cache en réalité la même problématique: le boîtier a effectué des mesures par rapport au sujet de premier plan (trompé également par les arbres).

Flash actif, la vitesse limite est de 1/250s (vitesse de synchronisation). J’avais donc le choix entre resté calé à 1/250s, ou passer en mode «haute vitesse». J’ai choisi la première solution, et j’ai réduit l’ouverture, à sensibilité constante. Nous obtenons:

Mode M, ISO400, f/10, 1/250s
Mode M, ISO400, f/10, 1/250s

Le résultat est meilleur. J’aurais pu l’améliorer, en rendant le flash plus discret (décalage d’exposition flash de -1/3 d’IL par exemple).

Ce qu’il faut retenir

Nous avons plusieurs leçons à tirer de ces exemples:

  1. les modes «automatiques» ne sont clairement pas conseillés (en tout cas chez Canon): les compromis effectués favorisent le premier plan. Flash éteint, le mode P donne très souvent des informations d’exposition correctes. Flash activé, ces paramètres sont modifiés pour tenir compte d’une vitesse qui ne doit pas excéder 1/60 s,
  2. les meilleurs résultats sont obtenus en exposant le fond, ou en exposant pour la lumière ambiante. Toujours chez Canon, les mécanismes TTL du flash s’occupent du premier plan, et le font plutôt bien,
  3. La vitesse d’obturation joue un rôle important/primordial lorsque l’on photographie avec un flash. Si elle n’a aucune influence sur l’éclair du flash, elle est quasiment le seul facteur permettant de gérer la lumière ambiante, et donc le mélange lumière ambiante/éclair du flash.
  4. Si la vitesse d’oburation n’est pas assez importante pour le sujet, il faut trouver un moyen de l’augmenter en modifiant la sensibilité ou en augmentant l’ouverture. L’utilisation du flash ne dispense donc pas d’utiliser des ISO élevés, ou de grandes ouvertures.

En pratique nous pouvons nous heurter à deux «problèmes»:

  • En faible luminosité, les vitesses d’obturation deviennent un peu «limites», et augmentent les risques de flous de bougés, ou des flous de mouvements,
  • Dans le cas des fortes lumières, nous pouvons très vite atteindre la limite de synchronisation (1/125s ou 1/250 s). Le boîtier, même en mode manuel, refusera d’aller au-delà, et nous obtiendrons une image complètement surexposée.

Il y a effectivement un compromis à faire entre la vitesse d’obturation d’une part, et l’exposition de l’arrière plan d’autre part. Les photos de soirée sont parmi les plus difficiles à prendre, si l’on veut en restituer l’ambiance lumineuse. Nous pouvons jouer sur la sensibilité du capteur, et sur l’ouverture, mais tout le monde ne dispose pas d’un Nikon D3, ou d’optiques ultra lumineuses. Nous pouvons également suivre les conseils de Neil (en anglais), en commençant par sous-exposer la lumière ambiante (de -1 ou -2 IL par exemple).

Inversement, pour contourner la limite de la synchro-X, nous avons plusieurs techniques à notre disposition. Nous pouvons

  • réduire la sensibilité du capteur,
  • diminuer l’ouverture,
  • basculer le flash en mode «haute vitesse» (nous y reviendrons dans un prochain article).

Dernier commentaire au sujet du mode manuel. Ce mode est souvent synonyme de complexité, et de lenteur de déclenchement. Dans une soirée, il faut souvent déclencher très rapidement, pour saisir les évènements au moment ou ils se produisent. Le temps nécessaire aux réglages risque de nous faire rater ces évènements.

A ces remarques, je réponds d’abord que le mode manuel n’est pas plus compliqué à comprendre que le mode automatique, et qu’il s’agit avant tout d’une question de pratique. Je le dis d’autant plus facilement, que j’ai longtemps utilisé le mode P, avant de basculer en mode M.

Dans notre cas de photo au flash, nous pouvons avoir trois approches:

  • Continuer a utiliser le mode P, mais décaler le programme,
  • Utiliser le mode M, en effectuant le réglage une seule fois, en début de soirée.

En mode P, il est toujours possible de modifier les valeurs choisies par le boîtier: il suffit de faire tourner l’une des molettes, pour abaisser ou remonter la vitesse d’obturation. Le programme décale les autres paramètres (surtout l’ouverture) en fonction. L’avantage est que les automatismes vous donnent une base de travail. Il y a deux inconvénients: d’abord, le boîtier impose parfois des limites, ensuite l’ergonomie est discutable puisque la molette en question fait varier les deux paramètres (vitesse et ouverture) en même temps.

Dans une soirée, l’éclairage change rarement d’un moment à un autre. Il est donc possible d’effectuer les réglages d’exposition en début de soirée, et de ne plus y toucher ensuite. Quelques tests suffisent. Nous pouvons, profiter de ces tests pour réaliser également le réglage de la balance des blancs, en incluant dans l’image, une surface blanche.

Application

Voici des exemples assez significatifs de ce que l’on peut faire en suivant ces règles:

Les photos sont issues de vacances en Normandie:

  • La basilique Sainte-Thérèse de Lisieux,
  • Les planches de Deauville,
  • Le Mont Saint-Michel pour les deux dernières

Sur la première photo, j’ai choisi f/11 pour avoir une grande profondeur de champ. La vitesse 1/80s correspond à l’exposition du paysage. Le flash s’est chargé d’exposer les voûtes.

Sur la seconde, il y avait trois niveaux d’exposition: le ciel, les planches, et le passage couvert. Je me suis calé sur le ciel, en le surexposant légèrement pour ne pas obtenir des planches trop sombres. Le flash s’est occupé du passage couvert. L’éclairage du flash se voit: un décalage d’exposition de -1/3 l’aurait rendu plus discret. Pour la photo elle-même, il me reste a «gommer» mon fils.

Sur la troisième, sans flash, la statue apparaîssait beaucoup trop sombre. En gardant l’exposition initiale (sur le ciel), et en ajoutant le flash, on obtient quelque chose de plus équilibré. Techniquement, cette photo amène un commentaire: à la focale 20mm, mon flash a un nombre guide d’environ 25m. A f/11, la formule du nombre guide nous donne un distance comprise entre 2 et 3 mètres. Au delà de cette distance, l’effet du flash aurait été beaucoup moins important, voir inexistant.

La quatrième photo ressemble à la première au niveau du principe: sans flash, si j’exposais le paysage, le mur aurait été complètement bouché. En exposant le mur, le paysage ne serait même pas apparu (fente blanche). Avec le flash, je me suis concentré sur le paysage, et le flash a fait le reste. Encore une fois, un petit décalage d’exposition aurait permi de rendre l’éclair du flash moins visible.

Conclusion

Après deux articles plutôt théoriques, nous abordons maintenant les aspects concrets de la photographie au flash. Nous venons de voir qu’effectuer la mesure d’exposition pour l’arrière plan (l’éclairage ambiant), permet d’améliorer très sensiblement le rendu de nos photos.

C’est facile à dire, moins facile à faire: lorsque nous prenons une photo, notre attention se focalise souvent sur le premier plan, et nous oublions assez vite, que le flash et le boîtier effectuent des mesures différentes. Il faut donc être attentif au début. Après quelques essais, les choses s’améliorent finalement assez vite.

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